16 décembre 2009

George Cosbuc - L'été

Sans but je regardais au firmament
Dans sa sauvage splendeur
Le mont Ceahlàu, à l'Occident,
Loin dans le bleu du ciel baignant
Son front géant, dans la solaire ardeur,
la garde du pays montant
Pareil à un mystère errant
Un nuage du sommet voisin
Flottait dans le gouffre serein
N'ayant plus d'ailes pour s'envoler!
Et l'air entier était tout plein
De chants d'oiseaux tout gazouillants;

Alors, ivre de charme, les yeux
Je tournais vers la terre, les champs,
Et les épis dansaient au vent
Comme, dans la ronde aux joyeux chants,
Les jeunes filles blondes en cheveux
Lorsque tressaute leur long vêtement.
Garçons et filles dans les blés mûrs
Une doïna en choeur chantaient,

La vie dans leurs yeux brillait,
Le vent jouait dans leurs cheveux,
Des agneaux blancs à la source couraient,
De gris étourneaux en bandes s'envolaient.

Combien tu es belle et parée
O nature, comme une vierge sereine
Au pas chéri, au visage adoré!
Je voudrais de bonheur pleurer,
Sentir ton souffle divin,
Voir ce que tu as créé!
Mon coeur est de larmes trop plein,
Car tous les miens ont, tour à tour, été
Enterrés là et j'y serai de mon côté!
C'est une mer - mais une mer sereine -
Nature, que ma tombe et ton sein,
Tout y est chaud et tout y est lumière.

15 décembre 2009

George Cosbuc - A Pâques

Les branches sont pleines de gazouillis,
Plein de soleil est l'air
Et de blancs chattons les saules sont garnis -
Tout est en paix, ciel et terre.
La souffle chaud du beau printemps
Arrive au jour de la Résurrection.

Et comme il fait beau au village!
Arrivent silencieux les chrétiens de la vallée
Et deux se rencontrant au passage
Se saluent par: Le Christ est ressuscité!
Et leur vissage par le soleil halé
Offre à la fête un sourire étalé.

Un petit vent à peine berceur
Murmure dans l'air des mots glacés:
Le vol bruissant de l'âme des leurs
Les arbres baissent leur front aussi
Au passage du Saint-Esprit.

Le calme règne. Et de l'autel
Le chant en vers longs psalmodiés
S'élance au loin dans les vallées -
Et les cloches sonnent à toute volée
Oh, Dieu! Les entendre d'en bas
Rire joyeusement et pleurer au trépas!


L'église là-haut sur la colline,
Est pleine aujourd'hui de lumière,
Car tout ce monde exulte et espère
En cette pensée du ciel bénie
En nos actes est notre sort
La vie est tout, non pas la mort.

Sur la colline montent doucement
Jeunes épouses et jeunes filles,
Vieilles gens la chevelure enneigée par la vie;
Et doucement derrière tout le monde,
Avance hésitante une vieille femme
Tenant son petit-fils par la main.

Ah, à nouveau tu me reviens,
Toi, mère de mes jeunes soeurs!
Je sais qu'en ces jours-ci tu pleures
Encore ton enfant qui ne vient !
Sourire aujourd'hui le Ciel nous commande -
C'est Pâques! Ne pleures pas maman!

14 décembre 2009

George Cosbuc

Né en 1866 et mort en 1918, George Cosbuc est un poète du village roumain et de la nature ; un poète à l’optimisme robuste et sans complexes . Il débute par la publication du poème « Les Noces de Zamfira ». Son premier volume paraissait en 1893 sous le titre de « Ballades et idylles ». Trois ans plus tard, en 1996, Cosbuc publie son volume de « Fils à retordre ». Les poèmes de ce volume sont plus graves que les précédents. Enfin, son troisième volume « Chants de bravoure » parait en 1904. Entre temps Cosbuc avait traduit en roumain l’Odyssée, l’Enéide et la Divine Comédie., ainsi que le poème sanskrit Sakuntalà de Kalidasa. Il était devenu aussi membre de l’Académie.

13 décembre 2009

Alexandru Macedonski - Le Rondeau Du Pont D'Onyx

Le pont d’onyx soudain ploie
Sa haute voûte gracile arquant
Et des feuilles une à une choient
Sur l’azur clair de l’étang.

Du côté soleil-couchant
De sanglants torrents rougeoient.
Le pont d’onyx soudain ploie
Sa haute voûte gracile arquant.

Des mandarins devisant
Des signes de pluie voient
Tandis qu’une barque ondoie
Sur les eaux en trésautant,
Sous le pont qui soudain ploie.

12 décembre 2009

Alexandru Macedonski - Le Rondeau Du Rossignol

Le rossignol qui donne couleur
A nos vivifiants frissons,
Réveille dans les abricotiers en fleur
Le frais zéphyr des violons.

Comme dans une fête de blancheur
Dans l’enneigement des blancs buissons
Le rossignol donne couleur
A nos vivifiants frissons.

Et dans la si calme splendeur
Que la lune verse à profusion,
De la vie la belle ardeur
A un quelconque mortel, disons,
Le rossignol donne couleur.

11 décembre 2009

Alexandru Macedonski - Le Rondeau Des Fleurs De Lune

Fleurs de lune qui s’accrochent
L’eau transforment en fin brocart ;
A travers les arbres approche
Un petit air de Mozart.

Vers Saint-Cloud en face, tout proche
La vague qui se brise repart
Fleurs de lune qui s’accrochent
L’eau transforment en fin brocart.

Sur la Seine verte et si proche
De longs frissons doux s’écartent
Et les berges qui approchent
Quand les bateaux se séparent
Fleurs de lune blanche accrochent.

10 décembre 2009

Alexandru Macedonski - Le Rondeau De La Ville Des Indes

Brisée fut la grande ville
Par la dureté des temps ;
Sur son défunt mouvement
Pousse une forêt tranquille.

Oubliés furent l’ouragan,
La gloire à l’éclat fragile.
Brisée fut la grande ville
Par la dureté des temps.

Sous le soleil envoûtant
Les marbres et porphyres brillent ,
Des traces d’anciennes énergies
Achèvent de se perdre dans le néant
Brisée fut la grande ville.

09 décembre 2009

Alexandru Macedonski

Alexandru Macedonski est un poète contemporain d’Eminescu et que l’on ignore souvent à tort. Il a vécu entre 1854 et 1920. Symboliste, ses recueils de vers sont: „Prima verba” (1872); „Poésies” (1882), „Excelsior” (1895), „Le livre d’or” (1902), „Fleurs sacrées” (1912) et « Le Poème des rondeaux », ouvrage posthume publié en 1927.
Comme Musset, il écrivit des « Nuits », mais sur un ton assez différent. Francophone parfait, Macedonski a publié un volume de vers en français intitulé « Bronzes », recensé par le « Mercure de France ». Il a aussi écrit en français une prose poétique intitulée « Le Calvaire du Feu ». Son mauvais caractère lui valut beaucoup d’ennemis parmi les écrivains et les puissants de ce monde. Original en toute chose, il mourut en respirant un intense parfum de roses.

08 décembre 2009

Les grands noms du19-e

L'union en 1959 de deux des principautés roumaines de l'époque (la Moldavie et la Valachie) porta d'abord au premier plan le poète Vasile Alecsandri donnant ensuite un élan sans pareil à la culture roumaine. Le romantique Eminescu demeure de nos jours encore le poète de référence de la littérature roumaine.

04 décembre 2009

Vasile Carlova - Le soir

Lorsqu'à peine voit-on du soleil les rayons
Au flanc d'une montagne sur un nuage au rose front
Et qu'un zéphir plus frais commence à soupirer
Dans les feuilles, sur la plaine, plus fort un tantinet;

A cette heure agréable, dans de tristes valées,
A l'écart des grands bruits, souvent je me retire,
Au point le plus élevé, je m'asseois désolé,
Pour, à la solitude; compagnie tenir.
……
Lorsqu'une plaine en herbe devant moi je regarde,
Et que mes yeux de courir sur celle-ci sont lassés,
Le paysage de cette plaine de fleurs toute parsemée,
S'assombrit de la nuit qui avancee retarde.

Lorsqu'un bosquet touffu, au front bien trop altier
Couronne tout ce champs, pour que plus beau il soit.
Et sans cesse de son sein déverse avec bonté
Sur l'étendue lointaine un vent un peu plus froid.

D'un côté, là encore, un petit ruisseau serpente
Et pareil à une toile se voit là-bas tout blanc
Et qu' il nous semble même qu'il s'agite sous le vent
Mouvant sur les galets sont flot tout blanc

Et avec quel plaisir, de loin on peut entendre
Des voix de belles bergères, la flûte d'un pastoureau,
Qui revenant des champs, se retire dans la lande,
Laissant pour le garder le bon chien du troupeau.
…….

Doucement la lune aussi, provisoire maîtresse,
Monte à l'horizon, la plaine blanchissant,
Et contente pleinement, d'un bon front de tendresse,
Elle poursuit son chemin, parfois en remerciant.

Maintenant doucement arrive le sommeil reposant,
Dans ses bras doucement prenant chaque mortel…
L'être si généreux du ciel alors commande
A la terre charitable d'être dans l'éternel.
…….
Mais à cette âme triste et privée de tendresse,
Repos ni contentement, je ne sais pas trouver;
Sans cesse la joie du cœur s'en va ailleurs chercher
Et elle erre en peine partout avec tristesse.

Ce qu'elle cherche ne sait, mais elle sent bien l'absence
De cet être qui puisse son bonheur faire venir.
Et ne pouvant trouver ce que tant elle désire
Dans les brumes du chagrin, plus loin elle s'avance,

Exactement pareille au canot qui en mer
Errant dans la tempête, ne retrouve plus la terre;
N'ayant plus nul espoir que quelque vent chanceux
Par hazard la rejette au bord de la grande bleue.