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01 avril 2010

Mihai Eminescu - Sur les centaines de mats

Sur les centaines de beaux mâts
Qui s'en vont quittant le port
Combien briseront là-bas
Les vents et les flots ?

Sur tant d'oiseaux migrateurs
Qui la terre vont parcourant
Combien noiera la fureur
Des flots et des vents?

Que tu courres après ta chance
Ou de lointains idéaux
Partout marquent la cadence
Les flots et les vents .

Incompris demeure l'élan
Qui t'anime dans ton chant
Passent sans cesse le murmurant
Les flots et les vents .

31 mars 2010

Mihai Eminescu - OH, VÉRITE SUBLIME

fragment
......................
L'histoire humaine avec ses rois de poésie,
Ses rois de guerre, est comme un beau poème:
Pourtant je prie la divine de rester loin à l'extrême
De mon corps si indigne; je n'en ai pas envie .

Savants penseurs du monde ! vous empestez l'éther
Des systèmes subtiles, enfoncez-les dans un tiroir ,
Un coffre est ce monde, rempli d'un vieux fatras - le ciel
Est un grenier plein d'étoiles et histoires.

Prêtres le crucifix portant, trésoriers des mystères,
Vous êtes le sel du monde, vous en seriez le cœur et l'âme,
Dommage que vos journées en ripaille passent entières
Et les soirs en mensonges, la nuit avec des femmes .

Pensivement vous martelez, orchestres; toi, sculpteur,
Tu tâtes de la main un corps tout frissonnant
Et vous, acteurs de drame, grimacez sous la lune,
Vous peintres, vous aurez l'éternité et une couronne.

Toi, temps, tu ne peux la couronne briser de tes doigts,
Car si bien ils ont peint ces sacs de vers.
Oh, vous, que Dieu installa sur les trônes de rois
Pour avoir des danseuses et maîtresses.

Oh, diplomates au parler si poli et si sec,
Le monde vous menez par le bout de son nez.

Que j'aime cet axiome tacite, créatures immondes
Les peuples n’existeraient que pour être floués.

30 mars 2010

Mihai Eminescu - Nous avons eu le meme maitre

Nous avons eu le même maître
Nous sommes élèves d'un même enseignement,
Pensée unique, à chacun de la reconnaître.
Ce qu'aujourd'hui tu sais, hier je le savais pertinemment.
Les même choses nous font pleurer et rire de même ...
Non idem est si duo dicunt idem.

Tu dis que le patrie est en chute libre,
Que la risée de tous et la honte nous voici;
Si mon avis on demandait à quelque titre,
La même réponse sans doute obtiendrait-on ici,
Pour que de honte se ferment nos yeux blêmes:
Non idem est si duo dicunt idem.

Car des tréfonds de tes pensées
La haine pointe et des miennes l'amour,
Tu voudrais tout laisser tomber sans plus penser,
Moi, au plus faible je veux porter secours
Pensant de même, nous nous défions de même:
Non idem est si duo dicunt idem.

Même si j'en ris, le mal m’est une douleur,
Il me coûte la paix de ma vie toute entière
Tandis que toi, tu oublies , sous les feux de splendeur
Que déversent sur toi, les rois de cette terre...
Et tu voudrais de nos mains que nous nous entretuions même
Non idem est si duo dicunt idem .

Est dure à dire la différence
Qui nous sépare, et nous empêche de marcher ensemble
On la verrait surgir sans doute
Si nos coeurs nous posions sur la main
Pour découvrir leur contenu suprême;
Non idem est si duo dicunt idem.

29 mars 2010

Mihai Eminescu - L’astre du soir

fragment

L'Astre partit. Ses ailes
Au ciel resplendissaient
Des voies de milliers d'années
En quelques instants passaient.

Un ciel d'étoiles en dessous,
Au dessus un ciel d'étoiles -
Il ressemblait à un éclair
Errant parmi les astres.

Et des vallées de ce chaos,
Aux alentours de soi,
Il voyait comme au premier jour,
Jaillissant des lumières;

Et jaillissant elles l'entouraient
Comme des flots, à la nage...
Il vole, pensée mue de désir,
Jusqu'à ce que tout s'efface;

Car où il va, il n'est frontière
Ni regard pouvant connaître,
Et le temps en vain s'efforce
Du vide enfin à naître.

Du Chaos, je suis né mon Dieu,
J'aimerai retourner au chaos...
Si du repos je suis sorti,
Je rêve de repos.

Il n'y a rien, pourtant il y a
Une soif qui l'absorbe,
Une profondeur pareille il y a
A l'aveugle oubli.

Et pas à pas derrière elle,
Il se glisse dans la chambre,
Tissant de ses froides étincelles
Une résille de flammes "
.................
Et du miroir comme une lumière
Sur son corps il s'étale (déverse)
Sur ses grands yeux, sous les paupières,
Sur son visage tourné.

Elle regardait et souriait,
Il tremblait dans la glace,
Car dans son rêve il la suivait
Pour que son coeur s'attache.

Il écoutait le coeur tremblant,
Plus fort, il s'enflammait
Comme un éclair, il se jetait,
Dans la mer replongeant;

Et l'eau là où il tombe
En cercles tourne, tourne
Et des abîmes insondables
Un beau jeune homme s'élance.

Il passe doucement sur le seuil
Au bord de la fenêtre
Il a dans la main une canne
Couronnée de roseaux.

Il semblait un jeune voïvode
Aux cheveux doux d'or pur,
Un bleu linceul était noué
Sur ses épaules nues.


Là dans des palais de corail
Tu régneras, des siècles,
Et tout le monde dans l'océan
Respectera tes ordres.

Comme de ses cieux il l'entendit
Il mourut de douleur,
Et le ciel tourne et tourne en vrille
En ce lieu où il meurt;
.....................
- Du monde haut j'arrive péniblement
Pour t'écouter encore,
Car c'est le soleil qui est mon père
Et la nuit est ma mère;

Dans l'air des flammes toutes dorées
Couvrent le monde entier
Et des vallées du chaos
Un beau visage prend forme;

Sur les mèches noires de ses cheveux
La couronne brûler semble,
Il arrivait flottant en vérité
Baignant dans les feux du soleil.

Oh, viens, à tes cheveux tout blonds
J'accrocherai des étoiles,
Sur mes cieux tu paraîtras
Plus belle entre toutes choses.


Car ce n'est rien, pourtant il est
Une soif qui l'absorbe,
Et un abîme similaire
A l'aveugle oubli.

28 mars 2010

Mihai Eminescu - J'admire la ville fourmilière

J'admire la ville fourmilière
Pleine de monde, aux murs de pierre,
Ses larges rues, ses nombreuses voûtes
Là, tel visage au coin de la route.
Y passent riant, parlant, grouillant,
Une foule de gens, le pas hâtant.
Rien que par-ci ou par là-bas
On en voit un qui flânant va
Les yeux au ciel, en sifflotant,
Les mains derrière son dos tenant.
Une cloche on entend résonner,
Bannière, crucifix et icônes sont portés,
Des prêtres lents et en chasuble
Chantant les paroles de la Bible.
Les suivent comme pour un enterrement
Jeunes, femmes, enfants, foule de manants;
On n'enterre pas, - on bénit l'eau,
Les rues débordent de badeaux;
Lentement ils passent; tara-boum-boum,
Une troupe en marche arrive: boum-boum;
Tambour en tête elle avance,
Vaillant il donne la cadence.
Marquant bien fort le tact ils vont
Et leur pas ferme l’on entend;
Luisent les armes, en file tout droit,
Les étendards le vent déploie;
Ils passent toujours tarra boum-boum,
Derrière le coin s'éclipsent d'un coup ...
Une jeune fille passe au profil doux
Rond comme celui d'une gamine !
Un chien déguerpit médusé
Un gamin siffle amusé
Au carrefour de routes usées.
L'aveugle tend sa sèche main,
Un porteur passe chargé à plein
Et les horloges ont sonné,
Mais personne plus ne les écoute
Trop de paroles, trop de monde.

27 mars 2010

Mihai Eminescu - Les epigones

fragment

Regardant les beaux jours d'or des chroniques roumaines anciennes,
Je plonge comme dans une mer de douces et sereines rêveries
Et j'entends comme une musique de doux et tendres printemps.

Quant à nous, les épigones ?... Des sens tièdes, des lyres brisées
Peu d'action et grandes passions, coeurs flétris, vieillis, vilains,
Masques rieurs, bien accrochés à un caractère vain;
Dieu en nous n'est que trompe-l'oeil, du clinquant masquant un trou.
Vous faisiez foi à votre art , nous ne croyons plus à rien.

26 mars 2010

Mihai Eminescu - Empereur et proletaire

fragments

Assis sur de longs bancs, dans une sombre taverne
Où la lumière pénètre par de sales verrières
Attablés côte à côte, le visage plutôt terne
Et l'oeil désabusé, voici une bande perdue de crève-misère
D'enfants pauvres et sceptiques de la plèbe prolétaire.

- "Ah ! - dit l'un d'eux - pensez-vous, que l'homme est une lumière
Dans ce monde si plein d'amertume et douleur ?
Une étincelle seule en lui n'est pure, ni entière.
Son rayonnement est sale comme ce globe de terre,
Sur lequel il est roi et règne sans grandeur.

Dites-moi, qu'est la justice ? - Les puissants se protègent
Leur fortune et honneur dans un cercle de lois;
Par des biens qu'ils volèrent, il font leur petit manège
Contre ceux qu'au travail ils ont pris comme au piège
Pour s'adjuger le fruit de leur vie et leur toit.

Certains dans les plaisirs passent leur vie, en luxure,
Les jours passent joyeux et les heures leur sourient
Du vin d'ambre plein les coupes - l'hiver jardins, verdure,
L’été parties, vacances, les Alpes au front de glace pure,
La nuit en jour ils changent, l'oeil du jour ferment meurtri.
.....................................................

Vertu est pour ceux-là un mot bien insensé,
Mais ils l'enseignent aux autres pour des bras forts avoir.
Car le char de l'Etat, quelqu'un doit le pousser
Et se battre à la guerre au milieu des brasiers.
Si vous mourrez luttant, eux gardent le pouvoir.

Les flottes toutes puissantes et les armées glorieuses
Les couronnes que les rois déposent sur leur front
Et les beaux millions que dans des banques luxueuses
Les riches déposent sans bruit, la tombe du pauvre creusent.
Ils absorbent la sueur du peuple que l'on trompe.
La religion, une phrase qu'ils inventèrent eux-mêmes
Pour vous amener dociles à subir le harnais.
Car si vos coeurs n'avaient pas cet espoir suprême
Après avoir peiné misérables une vie vaine
Porteriez-vous le joug comme des chevaux de trait?

Avec de vaines ombres on vous voile les yeux
En une récompense vous croyez bien à tort.
Non! La mort, de cette vie, éteint tout le bonheur.
Celui qui de ce monde n'a eu que la douleur
N'a rien au-delà non plus, car les morts sont bien morts!

Mensonges, paroles, voila qui les Etats soutient.
Non pas l'ordre des choses, comme ils veulent le faire croire !
Défendre leurs richesses, leur grandeur et leur bien,
C'est pour ça que vos bras ils arment contre vous-mêmes
Et entre vous en vain au combat on vous mène.

Pourquoi seriez-vous serfs des millions néfastes,
Vous qui par votre labeur pouvez à peine survivre?
Pourquoi le mal, la mort seraient votre seul faste,
Si eux dans leur richesse resplendissante et vaste
S'amusent comme au ciel, n'ont pas le temps de mourir.

Pourquoi oublieriez-vous que vous êtes force et nombre?
Il suffit de vouloir, pour la terre partager.
Ne construisez plus pour leur fortune des coffres,
Et des prisons pour vous, pour qu'ils vous mettent a l'ombre
Si l'envie vous prend de vivre ou vous loger.

Protégés par la loi, eux s'abandonnent au luxe
Et arrachent à la terre ses sèves parfumées.
Ils appellent dans l'orgie bruyante et voluptueuse
Comme des objets aveugles vos jolies filles aimées
Nos beautés juvéniles, leurs vieilles peaux usent.

Si vous vous demandez, alors, ce qu'il vous reste
Le travail, vous dit-on, ce plaisir enivrant,
La vie en esclavage, les larmes sur du pain sec.
Et aux jeunettes séduites une misère honteuse...
Ils ont tout et vous rien, eux le ciel, vous du vent!

La loi, ils n'en ont cure, la vertu c'est du flan.
Quand tout est à portée... Les lois, elles sont pour vous,
Lorsque tentés vous êtes par des biens souriants
Car il n'y a nul pardon pour l'horrible besoin.

Brisez donc ce régime si cruel et injuste.
Qui le monde divise en miséreux et riches!
Puisqu'après votre mort nul bonheur ne vous guète
Faites qu'en ce monde-ci on ait une part plus juste
Et que l'on soit égaux, que l'on vive en frères!
...................................................

Oh ! Que vienne le déluge, on a trop attendu
Pour voir venir le bien de par le bien rendu
Rien ... La place du chacal est prise par l'orateur
Et celle du spadassin par le flatteur envieux
Les formes ont changé et le mal est resté.

Vous reviendrez alors aux époques dorées,
Que les vieux mythes bleus nous racontent souvent,
Aux plaisirs si pareils, entre égaux partagés,
Et même la mort soufflant la lampe d'une vie finie
Vous semblera alors un ange aux blonds cheveux frisés.
..................................................

Sur les bords de la Seine en voiture de gala
Le César passe pâle, plongé dans ses pensées;
Des ondes le bruit sourd, le bruit sur la chaussée
De centaines de voitures, sa pensée ne trompe pas;
Le peuple silencieux et humble s'est effacé

Son sourire profond, silencieux et sage,
Son regard qui sait lire dans le coeur des humains
Et sa main qui conduit les destinées de loin
Salue le groupe miteux sur son passage.
Sa grandeur, il le sait, dépend de ces vauriens!.

25 mars 2010

Mihai Eminescu - Sommeillants petits oiseaux

Sommeillants petits oiseaux
Vers leurs nids reviennent sans bruit
Se cachent dans les rameaux
Bonne nuit !

Passe le cygne doucement sur l'eau
Se coucher dans les roseaux
Les anges te soient proches et veillent
Bon sommeil !

Seules les sources encore soupirent
Tandis que la forêt se tait
Les fleurs au jardin s'étirent
Dors en paix !

Dans la nuit douce qui scintille
La lune monte fière et luit
Tout est rêve et harmonie
Bonne nuit !

24 mars 2010

Mihai Eminescu - Retrouvailles

Petit bois, mon bois joli,
Comment vas-tu mon chéri?
Depuis que ne t'ai point vu
Bien long le temps m'a paru,
Depuis que m'en suis allé
Au monde j’ai tant voyagé!

Eh bien, moi, depuis longtemps
L'hiver, la tempête j'entends,
Qui mes branches va cassant
Et mes ruisseaux recouvrant,
Tous mes sentiers enneigeant,

Mes chanteurs au loin chassant.
Et encore, depuis longtemps,
L'été la "doïna" j'entends
Quand, sur le sentier de la source
Dont j'ai fait cadeau à tous,
Leur seille d'eau en remplissant
Les femmes la chantent doucement.
Ma forêt aux eaux tranquilles,
Le temps passe, le temps file
Et si jeune que tu sois,
Tu rajeunis à chaque fois.


Que m'est le temps ? Depuis des siècles
Mes lacs les étoiles reflètent.
Bon ou mauvais soit le temps
Mes feuilles bruissent, souffle le vent.
Bon ou mauvais le temps soit,
Le Danube coule pour moi.
L'homme ici seul est changeant,

Sur la terre il va errant;

Quant à nous, nous ne bougeons guère.


Nous sommes aujourd'hui comme hier:
La mer et toutes les rivières,
Le monde avec ses déserts,
Le soleil, la lune douce,
La forêt avec ses sources

09 février 2010

Mihai Eminescu - Prière

Notre Dame, vous élisant,
A vos genoux venons priant,
Ayez pitié et nous sauvez
Des flots dont nous sommes hantés!
Soyez bouclier protecteur,
Soyez notre rempart sauveur !
Le regard de vos yeux adorés
Sur nous, pauvres, veuillez abaisser,
O Sainte Mère immaculée
Et vierge pour l'éternité,
Marie !

Nous qui par la grâce sainte
Menons sur terre une vie vaine,
Nous supplions votre pitié !
Oh, notre étoile du berger,
Nos plaintes veuillez entendre
Oh, vous, reine des anges;
Des brumes sortez entière,
Douce et claire lumière !
O mère immaculée
Et vierge pour l'éternité,
Marie !

06 janvier 2010

Mihai Eminescu - Calin ( Pages d’un conte) VIII

fragment

Passée le forêt d'airain, de très loin scintille en blanc
Et résonne le fier discours de la grande forêt d'argent.
L'herbe, là, près de la source semble neige immaculée,
Des fleurs bleues frémissent humides, dans l'air doucement parfumé.
Il semblerait que les grands chênes sous l'écorce ont une âme
Qui soupire entre les branches d’une voix pleine de charme.
Et dans l'orgueilleux ombrage de la grande forêt d'argent
On voit des torrents rapides sur les pierres scintillant;
Ils poussent leurs vaillantes ondes et soupirent entre les fleurs,
Descendent susurrant tendres des alpages rocailleux.
Ils enjambent en boules fluides le miroir d'eau près du gué,
En tourbillonnant nid d'eaux, sur lequel la lune languit.
Mille petits papillons bleus, des milliers d'essaims d'abeilles
Ruissellent en luisant torrent sur les fleurs remplies de miel.

04 janvier 2010

Mihai Eminescu - A l’étoile

Jusqu’à l’étoile qui vient de poindre
Il y a si longue route
Que des millénaires fit sans doute
Sa lumière pour nous joindre.

Eteint sans doute depuis longtemps
Dans des lointains bleuâtres,
Voilà que luit à peine maintenant
A nos yeux le bel l’astre.

L’image de l’étoile qui mourut
Lentement au ciel monte:
Lorsqu’on ne la voyait elle fut
Oncques on la voit absente.

Ainsi lorsque notre désir
S’éteint dans la nuit noire
L’éclat de nos défunts plaisirs
Ne cesse de nous poursuivre.

03 janvier 2010

Mihai Eminescu

Eminescu est pour les Roumains un symbole, une institution. C’est avec lui que commence et s’installe la langue roumaine littéraire et la littérature cultivée, de facture occidentale. Il a vécu entre 1850 et 1889.
Eminescu fut le poète de l’amour et de la nature, mais aussi un poète philosophe, ayant fait de solides études à Vienne et Berlin. Il admira la Commune de Paris et lui consacra même un poème. C’est un romantique sensible et fougueux , un génie assoiffé d’absolu. Il dépeint comme nul autre la mélancolie de l’âme roumaine et les forêts de ce pays, mais aussi les grandes idées de son siècle.




Les traductions contenues dans cette présentation sont la propriété de Jeanne LUTIC.
Toute reproduction doit être autorisée par écrit.

02 janvier 2010

Vasile Alecsandri - Ode aux soldats roumains

Jeunes soldats de ma patrie, d’un panache blanc coiffés.
Eperviers des champs de bataille, aiglons des sommets altiers
J’ai chanté dans ma jeunesse la valeur de nos aïeux
Valeur sans pareil naguère aux époque de sang et feu
Qui à un nom honorable ajouta une renommée
Portée du Danube en mer, par la mer au monde entier !

C’est à vous que mon hommage aujourd’hui est adressé
Vers vous vient mon coeur qui gonfle et mon âme réconfortée,
Comme les héros des légendes, je regarde votre vis
Vous que la mort indiffère et qui méprisez la vie,
Qui avez montré au monde, étonné de votre élan,
Que né d'une souche d’aigle, on se bat comme un aiglon.

Du prince au dernier des pauvres, menés par un sort heureux,
Votre vie fut fiancée au triomphe glorieux !
C’est vous qui nous fîtes comprendre du passé toute la grandeur
Montrant que vous savez être des ancêtres à la hauteur,
Faisant voir comme dans les nues le soleil clairement sait luire
Qui nous fûmes naguère au monde, quel sera notre avenir !
..........................................
Oh ! Roumains voyez-vous poindre dans les mystères du lointain
Ce rayon vivace qui pointe et doucement nous atteint,
Transperçant l’ombre épaisse par les siècles amassée ?
C’est le gai levé de l’aube, désirée, voulue, rêvée,
Renaissance de la lumière, étoile de l’espérance
Le triomphe de votre lutte, soleil de l’indépendance !
...........................................
Va donc ! Va donc ! va de l’avant ! L’ancien temps à nouveau rit !
L’avenir pour la Roumanie pousse ses germes et refleurit !
Mes enfants ! Que je suis fier, je sens un énorme orgueil
Monter avec la grandeur d’un peuple qui se réveille.

J’ai de mes yeux vu mon rêve, tranquillement je peux mourir !
Aujourd’hui le monde sait: Qui Roumain dit, brave veut dire.

01 janvier 2010

Vasile Alecsandri - L’éveil de la Roumanie

Vous qui somnolez encore, vous qui immobiles dormez,
N’entendez-vous dans vos rêves, une triomphante clameur,
Qui s’élève jusqu’aux cieux, annonçant du monde l’éveil,
Comme le salut sans pareil
D’un avenir glorieux ?

Ne sentez-vous votre coeur sursauter et s’agiter ?
Ne sentez-vous pas monter un saint élan bien roumain
A cette voix de renaissance, à cette voix de liberté
Qui pénètre et fait vibrer
Tout esprit et coeur humain ?

Voyez, le monde s’éveille de sa profonde léthargie !
Il avance à pas énormes vers un but longtemps rêvé,
Ah ! Eveillez-vous comme lui, mes bons frères de Roumanie !
Levez-vous pleins d’énergie,
Le jour de vivre est arrivé !

La liberté en ce monde a fait naître un beau soleil
Et désormais tous les peuples vers lui tentent d’avancer
Comme un envol d’aigles agiles, qui d’un grand battement d’ailes
Tentent joyeusement d’atteindre
Le soleil qui monte au ciel.

Toi seule, oh, nation roumaine, resterais dans l’aveuglement
Toi seule, serais donc indigne de ce temps réformateur ?
Toi seule ne participerais pas à la fraternelle union,
A l’union dans le bonheur,
A notre commun avenir ?

Combien le monde doit-il croire encore, mes enfants de Roumanie,
Que tout élan de liberté, en vous est à jamais éteint ?
Et combien ployer encore sous l’aveugle tyrannie ?
Pour qu’à son char d’infamie
Elle nous attelle sans fin !
.................................................
Allons, enfants d’une même terre ! Allons tous, unissons-nous.
La liberté ou la mort, nous tâcherons d’acquérir !
Allez, Roumains, le monde nous voit. Pour l’amour de la Patrie,
Pour libérer notre mère,
Notre vie, sacrifions tous !

Bien heureux celui qui foule la tyrannie à ses pieds !
Et qui voit sur sa chère terre revivre la liberté,
Heureux, glorieux celui qui sous un ardent soleil
Pour sa patrie sait mourir
Gagnant l’immortalité

31 décembre 2009

Vasile Alecsandri - Penes, plume de dindon

Neuf nous partîmes au champs d’honneur,
Dix, le sergent en tête,
Et nul n’avait , ma foi, le coeur
Hésitant ou bien tiède!
Joyeux comme le léger faucon
qui quitte le sommet
Nous avions des ailes aux talons
et une plume au bonnet.

Quittant en plein été nos champs
Ensemble nous sommes partis
Pour délivrer des mécréants
Ce pauvre et cher pays.
Ainsi nous dit en son jargon
Le sergent Mãtrãgunã
Et nous partîmes sans façons
De bon coeur, sans rancune.

Quiconque en route nous voyait
chantant à tue-tête
Se retournait et s’étonnait
De cette humeur de fête;
Puis en passant nous demandait:
Allez-vous à une noce?
On répondait que l’on allait
A la lutte féroce!

Ah ! qui aurait pensé parbleu
En traversant la lande
Que tant de gars manqueront sous peu
De notre fière bande.
Voyez ! de neuf que nous étions,
- Dix, le sergent en tête,
Seul je demeure au bataillon
Et j’ai le coeur bien tiède !

Cobuz, berger de Calafat
Jouait si bien de la flûte
Et nous dansions à petit pas
En nous moquant des bombes,
Quand brusquement l’éclat d’obus
Grondant ... le feu l’emporte !
Coupa la tête de Cobuz
Et notre danse fut morte.


Il y a trois jours nous traversions
Le Danube aux grandes eaux,
Pas loin de Pleven nous campions
Maudits soient ses créneaux
Devant nos yeux ses murs dressait
Grivitza, la terrible
Monstre cruel qui menaçait
De ses griffes invisibles.

Les canons par centaines tonnaient ...
Tremblait autour la terre
Et des milliers de bombes sifflaient
Rapides comme l’éclair
Les Turcs dedans restaient cachés
Comme l’ours dans sa tanière.
Nos balles semblaient ne rien toucher
Eux nous ensanglantèrent,

Un bon servant, Tintes était
Car ses bombes touchaient
La fourmilière des Ottomans
Et la mort y portaient
Mais un beau jour une balle du fort
Une seule, partit errante,
Et pauvre Tintes était mort
Sur sa pièce fumante.

Par une nuit noire, Vlad et Bran
Etaient en sentinelles.
L’air bouillonnait comme chez Satan
De bombes et de shrapnels.
A l’aube on les trouva tous deux
Percés par les yatagans,
Et un grand tas tout autour d’eux
De trépassés musulmans.

Arrive le jour de la bataille
Oh, jour souillé de sang !
Chacun semblait plus haut de taille
Ayant la mort devant.
Notre sergent, un vrai lion,
Nous dit les mots suivants:
“ Vous cinq et moi tant qu’nous vivons
Les gars, tous en avant ! ”

Nous y voici !... encore un pas.
“ Hourra ! Allez! Hourra !
Mais beaucoup demeurent sans voix.
Et plus d’un ici mourra.
La redoute crache son feu sur nous
Plus qu’un dragon rapace.
Toute une rangée tombe d’un coup
Une autre prend sa place.

Burcel s’écroule dans le fossé
Sur un païen sans la vie
Soimu sur le redan dressé
Crie: “ Vive la Moldavie ! ”
Deux frères Calin, sont coupés vifs
Et baignent dans le sang;
Nul gémissement plaintif
Ni plainte de leur part on n'entend.

Par balles, épées, fumée et eau
Par mille baïonnettes,
Nous avançons toujours plus haut !
Montant aux parapets.
“ Allah ! Allah ! hurlent en vain
Les Turcs mis en déroute
Nous plantons le drapeau roumain
Sur l'horible redoute.

Hourra ! voici flotter au vent
L’étendard de Roumanie !
Nous cependant, nous sommes gisants,
Tombés à terre sans vie !
Notre sergent meurt en sifflant
Les Turcs qui se dispersent,
Et le capitaine admirant
Nos couleurs en liesse

Quand je fermais les yeux moi-même,
Ayant pris assez de peine:
“ Je peux mourir, maintenant, me dis-je,
Car la victoire est nôtre ! ”
Puis lorsque les yeux je rouvris
Après une longue nuit,
Sur mes blessures je découvris
Une belle médaille qui luit ! .

30 décembre 2009

Vasile Alecsandri - Mon Etoile

Toi, qui demeures perdue, dans la nuit éternelle
Etoile douce et chère à mon âme à jamais!
Toi qui brillais naguère si vive et si belle,
Quand nous n’étions au monde que toi et moi tout seuls.

Oh ! tendre, caressante et intime lumière !
Que parmi les étoiles recherche mon amour,
Qui souvent envers moi, quand la nuit est bien claire,
Au royaume éternel s’élève en un long vol.

Passèrent des années de larmes et passeront
Depuis cette heure terrible où je t’ai perdue !
Et rien ne me console et ma tristesse profonde
Comme l’éternité n’entend pas le passé !

Oh, plaisirs de l’amour, plaisirs si délicieux !
Sentiments ! Grandioses rêves d’avenir glorieux !
Eteints en un instant, comme des météores
Qui laissent l’obscurité profonde derrière eux.

Eteints ! et depuis lors dans ma cruelle errance
Je n’ai consolation plus vive sur la terre
Que d’élever vers toi mes pensées attendries,
Etoile souriante, d’outre-tombe, si claire.

Car oh ! combien en vie je t’ai aimée, toi,
Oh, douce consolation de mon âme et mon coeur !
Et combien de bonheur tu fis, couler en moi
Quand nous n’étions au monde que toi et moi, tous seuls !
..................................
Toi donc qui de par amour, au soleil de l’amour
As éveillé en moi de poétiques élans,
Reçois dans l’autre monde ce muguet et ces larmes
Comme le tendre écho de nos douces amours !

29 décembre 2009

Vasile Alecsandri - Le chasseur

Le chasseur s’en va en hâte, au point du jour triomphant
Le soleil, orgueilleux hôte, il salue amoureusement
Le monde joyeux tressaute; des milliers de voix sonores
Célèbrent le gai mariage de la terre et de l’aurore.

Comme une mer invisible des flots d’air limpide passent
Sur le visage du monde qu’au passage ils embrassent.
Sur la plaine toute en rosée, le pas laisse des traces vertes
Qui sous les rayons chauds sèchent, et puis lentement se perdent

Le chasseur boit sur la route la fraîcheur du beau matin,
Admire le jeu de lumières sur les verdures du chemin,
Regardant dans l’ombre chaude des fleurettes dans les clairières,
Et les sources cristallines, les vautours à plume altière.

Un peuplier droit s’élève, haut perché à l’horizon,
Et sa feuille argentée jette une ombre sur le vallon.
Le chasseur au tronc s’appuie à ses amours rêvassant
Deux écureuils sur une branche se moquent du fusil luisant.

28 décembre 2009

Vasile Alecsandri - La ronde de l’union

Donnons-nous la main, mes frères
Tous dont l’âme roumaine espère.
Formons tous une ronde amie
Sur la terre de Roumanie !

Que périsse l’herbe mauvaise
Que toute haine s’apaise
Pour que toute la Roumanie
Vive de fleurs et d’harmonie !

Toi, Valaque, voisin, compère,
Viens t’unir à moi, mon frère.
Pour la vie, pour la mort même
Que notre sort soit le même

Un homme seul en vain s’exerce
A vaincre le sort adverse.
Dans l’union nos forces triplent
L’ennemi point ne profite.

Une même mère nous vit naître,
Nous avons les mêmes ancêtres.
Deux sapins d’une même racine,
Un regard que deux yeux animent.

Un seul nom portons ensemble,
Un même sort là nous rassemble.
Toi mon frère, moi ton frère,
Une seule âme en nos coeurs espère.

Tous au Milcov allons vite,
Buvons-le d’un trait, de suite;
Que sur nos frontières anciennes
Passe la grande route roumaine.

Que le jour béni nous vienne
Où sur toute la plaine roumaine
Nous danserons de plus belle
Une grande ronde fraternelle.

27 décembre 2009

Vasile Alecsandri - La rive du Siret

Légères, les vapeurs nocturnes comme des fantasmes se lèvent
Et, flottant au-dessus des saules, s’éparpillent comme un rêve.
Luisante, la rivière se glisse comme un dragon ruisselant
Qui dans la clarté de l’aube ses écailles va mouvant.

Au matin quand l’aube pointe, je m’assois sur la rive verte,
Je regarde l’eau qui coule et puis au tournant s’arrête
Se changer en vaguelettes sur de petits galets glissant,
S’endormir auprès des gouffres, la rive sablonneuse creusant.

Tantôt c’est un saule qui penche vers l’étang sa chevelure raide,
Tantôt un barbeau s’élance dans les airs, suivant une guêpe,
Tantôt les canards sauvages s’arrêtent sur leur chemin
Battre cette eau assombrie par quelque nuage pèlerin.

Mes pensées à vau l’eau coulent, emportées par le courant
De cette rivière éternelle qui chemine doucement,
Le bocage autour frisonne, un lézard comme une émeraude
Longuement ma tête fixe en quittant sa pierre chaude.