31 décembre 2009

Vasile Alecsandri - Penes, plume de dindon

Neuf nous partîmes au champs d’honneur,
Dix, le sergent en tête,
Et nul n’avait , ma foi, le coeur
Hésitant ou bien tiède!
Joyeux comme le léger faucon
qui quitte le sommet
Nous avions des ailes aux talons
et une plume au bonnet.

Quittant en plein été nos champs
Ensemble nous sommes partis
Pour délivrer des mécréants
Ce pauvre et cher pays.
Ainsi nous dit en son jargon
Le sergent Mãtrãgunã
Et nous partîmes sans façons
De bon coeur, sans rancune.

Quiconque en route nous voyait
chantant à tue-tête
Se retournait et s’étonnait
De cette humeur de fête;
Puis en passant nous demandait:
Allez-vous à une noce?
On répondait que l’on allait
A la lutte féroce!

Ah ! qui aurait pensé parbleu
En traversant la lande
Que tant de gars manqueront sous peu
De notre fière bande.
Voyez ! de neuf que nous étions,
- Dix, le sergent en tête,
Seul je demeure au bataillon
Et j’ai le coeur bien tiède !

Cobuz, berger de Calafat
Jouait si bien de la flûte
Et nous dansions à petit pas
En nous moquant des bombes,
Quand brusquement l’éclat d’obus
Grondant ... le feu l’emporte !
Coupa la tête de Cobuz
Et notre danse fut morte.


Il y a trois jours nous traversions
Le Danube aux grandes eaux,
Pas loin de Pleven nous campions
Maudits soient ses créneaux
Devant nos yeux ses murs dressait
Grivitza, la terrible
Monstre cruel qui menaçait
De ses griffes invisibles.

Les canons par centaines tonnaient ...
Tremblait autour la terre
Et des milliers de bombes sifflaient
Rapides comme l’éclair
Les Turcs dedans restaient cachés
Comme l’ours dans sa tanière.
Nos balles semblaient ne rien toucher
Eux nous ensanglantèrent,

Un bon servant, Tintes était
Car ses bombes touchaient
La fourmilière des Ottomans
Et la mort y portaient
Mais un beau jour une balle du fort
Une seule, partit errante,
Et pauvre Tintes était mort
Sur sa pièce fumante.

Par une nuit noire, Vlad et Bran
Etaient en sentinelles.
L’air bouillonnait comme chez Satan
De bombes et de shrapnels.
A l’aube on les trouva tous deux
Percés par les yatagans,
Et un grand tas tout autour d’eux
De trépassés musulmans.

Arrive le jour de la bataille
Oh, jour souillé de sang !
Chacun semblait plus haut de taille
Ayant la mort devant.
Notre sergent, un vrai lion,
Nous dit les mots suivants:
“ Vous cinq et moi tant qu’nous vivons
Les gars, tous en avant ! ”

Nous y voici !... encore un pas.
“ Hourra ! Allez! Hourra !
Mais beaucoup demeurent sans voix.
Et plus d’un ici mourra.
La redoute crache son feu sur nous
Plus qu’un dragon rapace.
Toute une rangée tombe d’un coup
Une autre prend sa place.

Burcel s’écroule dans le fossé
Sur un païen sans la vie
Soimu sur le redan dressé
Crie: “ Vive la Moldavie ! ”
Deux frères Calin, sont coupés vifs
Et baignent dans le sang;
Nul gémissement plaintif
Ni plainte de leur part on n'entend.

Par balles, épées, fumée et eau
Par mille baïonnettes,
Nous avançons toujours plus haut !
Montant aux parapets.
“ Allah ! Allah ! hurlent en vain
Les Turcs mis en déroute
Nous plantons le drapeau roumain
Sur l'horible redoute.

Hourra ! voici flotter au vent
L’étendard de Roumanie !
Nous cependant, nous sommes gisants,
Tombés à terre sans vie !
Notre sergent meurt en sifflant
Les Turcs qui se dispersent,
Et le capitaine admirant
Nos couleurs en liesse

Quand je fermais les yeux moi-même,
Ayant pris assez de peine:
“ Je peux mourir, maintenant, me dis-je,
Car la victoire est nôtre ! ”
Puis lorsque les yeux je rouvris
Après une longue nuit,
Sur mes blessures je découvris
Une belle médaille qui luit ! .

30 décembre 2009

Vasile Alecsandri - Mon Etoile

Toi, qui demeures perdue, dans la nuit éternelle
Etoile douce et chère à mon âme à jamais!
Toi qui brillais naguère si vive et si belle,
Quand nous n’étions au monde que toi et moi tout seuls.

Oh ! tendre, caressante et intime lumière !
Que parmi les étoiles recherche mon amour,
Qui souvent envers moi, quand la nuit est bien claire,
Au royaume éternel s’élève en un long vol.

Passèrent des années de larmes et passeront
Depuis cette heure terrible où je t’ai perdue !
Et rien ne me console et ma tristesse profonde
Comme l’éternité n’entend pas le passé !

Oh, plaisirs de l’amour, plaisirs si délicieux !
Sentiments ! Grandioses rêves d’avenir glorieux !
Eteints en un instant, comme des météores
Qui laissent l’obscurité profonde derrière eux.

Eteints ! et depuis lors dans ma cruelle errance
Je n’ai consolation plus vive sur la terre
Que d’élever vers toi mes pensées attendries,
Etoile souriante, d’outre-tombe, si claire.

Car oh ! combien en vie je t’ai aimée, toi,
Oh, douce consolation de mon âme et mon coeur !
Et combien de bonheur tu fis, couler en moi
Quand nous n’étions au monde que toi et moi, tous seuls !
..................................
Toi donc qui de par amour, au soleil de l’amour
As éveillé en moi de poétiques élans,
Reçois dans l’autre monde ce muguet et ces larmes
Comme le tendre écho de nos douces amours !

29 décembre 2009

Vasile Alecsandri - Le chasseur

Le chasseur s’en va en hâte, au point du jour triomphant
Le soleil, orgueilleux hôte, il salue amoureusement
Le monde joyeux tressaute; des milliers de voix sonores
Célèbrent le gai mariage de la terre et de l’aurore.

Comme une mer invisible des flots d’air limpide passent
Sur le visage du monde qu’au passage ils embrassent.
Sur la plaine toute en rosée, le pas laisse des traces vertes
Qui sous les rayons chauds sèchent, et puis lentement se perdent

Le chasseur boit sur la route la fraîcheur du beau matin,
Admire le jeu de lumières sur les verdures du chemin,
Regardant dans l’ombre chaude des fleurettes dans les clairières,
Et les sources cristallines, les vautours à plume altière.

Un peuplier droit s’élève, haut perché à l’horizon,
Et sa feuille argentée jette une ombre sur le vallon.
Le chasseur au tronc s’appuie à ses amours rêvassant
Deux écureuils sur une branche se moquent du fusil luisant.

28 décembre 2009

Vasile Alecsandri - La ronde de l’union

Donnons-nous la main, mes frères
Tous dont l’âme roumaine espère.
Formons tous une ronde amie
Sur la terre de Roumanie !

Que périsse l’herbe mauvaise
Que toute haine s’apaise
Pour que toute la Roumanie
Vive de fleurs et d’harmonie !

Toi, Valaque, voisin, compère,
Viens t’unir à moi, mon frère.
Pour la vie, pour la mort même
Que notre sort soit le même

Un homme seul en vain s’exerce
A vaincre le sort adverse.
Dans l’union nos forces triplent
L’ennemi point ne profite.

Une même mère nous vit naître,
Nous avons les mêmes ancêtres.
Deux sapins d’une même racine,
Un regard que deux yeux animent.

Un seul nom portons ensemble,
Un même sort là nous rassemble.
Toi mon frère, moi ton frère,
Une seule âme en nos coeurs espère.

Tous au Milcov allons vite,
Buvons-le d’un trait, de suite;
Que sur nos frontières anciennes
Passe la grande route roumaine.

Que le jour béni nous vienne
Où sur toute la plaine roumaine
Nous danserons de plus belle
Une grande ronde fraternelle.

27 décembre 2009

Vasile Alecsandri - La rive du Siret

Légères, les vapeurs nocturnes comme des fantasmes se lèvent
Et, flottant au-dessus des saules, s’éparpillent comme un rêve.
Luisante, la rivière se glisse comme un dragon ruisselant
Qui dans la clarté de l’aube ses écailles va mouvant.

Au matin quand l’aube pointe, je m’assois sur la rive verte,
Je regarde l’eau qui coule et puis au tournant s’arrête
Se changer en vaguelettes sur de petits galets glissant,
S’endormir auprès des gouffres, la rive sablonneuse creusant.

Tantôt c’est un saule qui penche vers l’étang sa chevelure raide,
Tantôt un barbeau s’élance dans les airs, suivant une guêpe,
Tantôt les canards sauvages s’arrêtent sur leur chemin
Battre cette eau assombrie par quelque nuage pèlerin.

Mes pensées à vau l’eau coulent, emportées par le courant
De cette rivière éternelle qui chemine doucement,
Le bocage autour frisonne, un lézard comme une émeraude
Longuement ma tête fixe en quittant sa pierre chaude.

26 décembre 2009

Vasile Alecsandri - La moisson

L’alouette qui grisolle, ses petites ailes s’agitant,
Sur une échelle de lumière tout droit du soleil descend.
L’air autour est immobile, il devient brûlant à point,
La caille dans les blés chante, la cigale dans les foins.

Dans les blés à haute paille, des moissonneurs sont entrés,
Alors qu’ils étaient humides du souffle de la rosée,
Vus de loin ils semblent tous nager dans un fleuve jaune pur,
Les filles sont sans fichu et les gars sans leur ceinture.

La faucille, lune mortelle, coupe sans cesse les épis nus,
La caille emporte ses petits; les blés déjà diminuent;
Et puis la moisson coupée et renversée par paquets
Se dresse en gerbes d’or, se monte en meules de blé.

Plus loin, travaillant alertes, un jeune gars et une jeunette
Pour chaque gerbe faite se donnent un baiser à la sauvette.
Au-dessus des champs sifflote s’envolant l' oiseau de feu;
Qu’il doit être doux à faire, le pain de leurs gerbes à eux !

25 décembre 2009

Vasile Alecsandri - L’hiver

D’un ciel blanc l’hiver terrible tamise les nuages de neige
Comme de grosses congères errantes, qui au ciel forment cortège.
Des flocons voltigent et flottent comme de beaux papillons blancs
Faisant frissonner l’épaule de mon beau pays dormant.

Jour et nuit neige et reneige, le matin il neige encore,
Un haubert d’argent recouvre le pays d’un riche décor.
Un soleil tout rond et pâle derrière les nuages luit
Comme un rêve de jeunesse à travers le temps qui fuit.

Tout est blanc, champs et collines, à la ronde un ciel d’acier.
En fantômes blancs se changent les rangées de peupliers.
Et dans l’étendue déserte, sans nulle trace ni chemin,
L’on voit des villages épars sous leur blanche fumée au loin.

Mais la neige brusquement cesse, les nuages s’en vont au vent,
Un joyeux soleil caresse cet océan scintillant.
Et voici que passe en flèche un léger et gai traîneau,
Dans l’air joyeusement résonnent les clochettes des chevaux.

24 décembre 2009

Vasile Alecsandri - Fin d’automne

Les hôtes de nos campagnes, cigognes et hirondelles
Ont quitté leurs nids en hâte, fuyant le froid et la grêle.
Les longues rangées migratrices, s’apprêtant au long trajet
Prennent le chemin du refuge, poursuivies de nos regrets.

La gaie et verte prairie est maintenant triste et fanée,
Atteints par la gelée blanche, les boqueteaux semblent rouillés.
Les feuilles tombent, dans l’air voltigent et des branches se détachent
Comme les illusions heureuses tour à tour notre âme lâchent.

De par quatre coins du monde haut s’élèvent dans le ciel
Comme des dragons fantastiques, des nuages porteurs de gel.
Le soleil aimé se cache et sous les affreux nuages
Une volée de corbeaux passe croassant d’hivernaux présages.

Le jour baisse, l’hiver arrive à cheval sur l’aquilon !
Le vent souffle sous les portes répandant de longs frissons.
Boeufs mugissent, chevaux hennissent, les chiens aboient en tout lieu,
Et l’homme triste, l’humeur pensive, tire sa chaise plus près du feu.

23 décembre 2009

Vasile Alecsandri - Au coeur de l’hiver

Dans les bois les chênes craquent ! Le gel est amer, cruel !
De glace semblent les étoiles, en acier parait le ciel
Et la neige cristalline couvrant la plaine brillante
Un champs de diamants semble, qui sous les pieds crisse et chante.

Des nuages de fumée blanche dans l’air scintillant et bleu
Se dressent comme les hautes colonnes d’un temple majestueux,
Sur lesquelles repose la voûte d’un ciel transparent et clair
Où la lune allume secrète le phare de sa douce lumière.

Quel tableau grandiose, fantasque ! ... Mille étoiles argentées
Dans ce temple immense brûlent en torches de l’éternité
Les montagnes sont ses autels, les forêts ses orgues sonores
Où le vent d’hiver s’engouffre, des notes horribles fait éclore.

Tout est ici immobile, sans nulle vie, sans nulle voix;
Pas un vol dans l’atmosphère, sur la neige pas un pas;
Mais que vois-je ? ... au clair de lune, un fantasme qui surgit
C’est un loup suivant rapide, une proie d’effroi transie !

22 décembre 2009

Vasile Alecsandri

Poète, prosateur et auteur dramatique, la vie de Vasile Alecsandri couvre le 19-e siècle presqu’entier. Né en 1818, il quitte ce monde, dont il a suivi de près les événements, en 1890. Il avait écrit ses premiers vers en français. Son recueil le plus connu a pour titre « Complaintes et Muguet » C’est un volume de pastels délicats, dans lesquels on retrouve une admirable évocation des paysages roumains suivant les saisons. Alecsandri a transcrit en vers de belles légendes et ballades roumaines. Il en a écrit lui-même d’autres. Enfin , il fut en 1859 le poète de l’Union des Principautés roumaines de la Moldavie et de la Valachie, dont il composa la chanson : « La ronde de l’Union », ainsi que le poète de la guerre d’indépendance de la Roumanie de 1877.

21 décembre 2009

George Cosbuc - Les Noces De Zamfira

Longue est la terre et large assez;
Mais comme prince Flèche le fortuné
Jamais on n'aura vu de tel;
Et il avait une fille - si belle -
Comme une image sur un autel
A adorer.

Donc si fort courtisée elle fut,
Il n'y a là rien d'imprévu.
Et de la suite des chevaliers
Qui franchirent le seuil du palais
Ce fut bientôt le mieux aimé
Qui fut l'élu.

Le bien-aimé. Lui! Arrivé
Des tréfonds de l'Orient rêvé!
C'était un prince charmant et jeune
Et la belle lui offrit son coeur,
Car c’était Viorel, lui seul,
Sa destinée.

Le bruit alors partit courant
Aux quatre coins du continent
Qui sembla mince en sa largeur
Lorsque volèrent, coururent rageurs
Ces mots qui sont plus voyageurs
Que n'est le vent!

Hier partie de chez les voisins
L'étranger la nouvelle atteint,
Dès ce jour-ci et à la ronde
Dans chaque terre en princes féconde
Elle laissa les grands de ce monde
De joie empreints.

Alors quittant leurs trônes, alertes,
Rois, empereurs se mirent en fête,
Vêtus de pourpre et de velours.
Les dames mirent leurs beaux atours,
Vite arborèrent tous leurs bijoux
Pour y paraître.

Et lorsqu'enfin fut arrivé
Le jour de noce bien annoncé
On vit venir par vaux et monts
Du large cercle d'horizons
De quatre-vingt pays en rond
Les invités.

Dès que pointa l'aube vermeille
Vinrent, craquant sous leurs corbeilles,
Demoiselles et damoiseaux;
Par chemins lisses, par monts et vaux,
Grandes calèches à quatre chevaux
De vrais soleils.

Du plus profond du monde connu,
De tout endroit su ou bien vu
Soleil levant, soleil couchant,
Venaient essaims de rois puissants
Couronnés et hermine portant,
Comme y'en n'a plus.

Gruia le vieux baron arrive
Avec dame Sanda et leur fille,
Tintesh le bien installé
Et dame Lia sont arrivés
Et Bratesh au château perché
Dans les montagnes grises.

Combien, mon Dieu? Quel monde brillant,
Les corps parés de perles et diamants!
Quelles belles jeunes filles! Mais quels trésors
De robes à traîne brodées d'or!
Sur les jeunes gens les justaucorps
Brillaient d'argent!

Les destriers en nage se cabraient
Et dans son panache qui flottait
Le vent vibrait, vif, vrombissant,
Lorsqu'un beau prince passait fièrement
Main à la hanche, l'autre appuyant
Sur son épée.

Puis vers midi l'on vit de loin
Grandir à l'horizon serein
Le beau carrosse du marié
Les beaux-parents, des invités,
Et quatre-vingt-dix chevaliers
Suivant le train.

Comme pour tout mariage princier
Un riche cortège les accueillait
Des gens de cour et foule immense,
Musique en têtes et belles danses;
Les chemin fut un tapis dense
De fleurs de mai.

Et lorsque tous ils s'arrêtèrent,
Prince Paltine mit pied à terre;
Se mirent à sonner à la fois
Canons, trompettes et hourras...
Mais que dis-je là? Les mots sont plats
Et trop austères!

Alors au bout d'un haut perron
De la blanche chambre du donjon
Parut Zamfira au pas léger.
Jolie comme un songe d'été,
Haute, les cheveux bouclés
Et blonds.

Une rose du val elle semblait;
Une ceinture d'argent serrait
Sa taille gracieuse; belle à rêver,
Elle était telle que je ne sais
De plus jolie imaginer
Dans mes pensées.

Doucement elle avança vers lui,
Et lorsque la main il lui prit
Elle rougit, troublée d'amour,
Puis au signal d'un jeune tambour
Se mit en marche toute la cour
Petit à petit.

Pendant l'office du mariage
Au son des flûtes sur le passage
Le peuple se mit à danser.
Pour dix jeunes filles cinq chevaliers
Avec, tous, des clochettes aux pieds,
Comme au village.

Trois pas à gauche doucement,
Trois petits pas à droite gaiement;
Les mains se lient et se délient,
On forme une ronde puis une longue file,
On frappe la terre d'un pied agile
Allègrement.

Quant au repas- un fleuve de vin!
Et tout un champ fut presque plein
De tablées des hôtes royaux
De duchesses, ducs, parents ducaux
Placés avec des généraux
Venus de loin.

Il y eut tant de joie, de chants,
L'on n'en avait jamais vu tant!
Le soleil même resta sur place
Heureux d'avoir enfin la chance
De voir autant de joie, de danses
Sur cette terre!

Il aurait fallu voir danser
Filles de rois et hôtes princiers,
Si jolies toutes et le corps beau,
Les yeux rieurs de renardeaux,
Les courtes robes volant très haut,
Les cheveux bouclés!

Princes et preux chevaliers
Dont les masses d'arme bien maniées
Avaient tué des dragons de Satan!
Si vous les aviez vus dansant,
Princes charmants, princes vaillants
Et chanceliers!

Le roi Panache même, voyant
Un nain barbu les regardant
Sur le côté, en spectateur,
Le fit danser! Et parmi les noceurs
Le nain sautillait de tout coeur
Comme un vaillant!

Les vieux sont durs à faire bouger,
Mais aussi durs à arrêter!
Les rois à la barbe fleurie
Et leurs conseillers érudits
Dansèrent quarante jours de suite
Sans se lasser.

Le bon roi Mugur, joyeux père,
Premier de tous entre les pairs,
Leva son verre rempli de vin
Suivant la coutume des Anciens
A toute noce entre Roumains,
Et ils toastèrent!

Il dit: Autant que de pavots que le vent sème
D'années aux mariés je souhaite,
Un petit prince dans un an d'abord
Doux et petit, puis grand et fort,
Et nous, nous danserons encore
Pour le baptême!

20 décembre 2009

George Cosbuc - Les ennemies

Laisse, mère, mes yeux, laisse-les pleurer!
Enfant de la main gauche tu m'as bercée
Pour que je sois si empotée.
Mais je n'ai pas, pardi, juré
D'aller en terre sans avoir pleuré!

Oh, pas que Leana me fasse peur,
C'est par dépit maman, que je pleure.
Ses mots je ne m'en soucie guère,
Mais j'en ai honte et mal, ma foi:
Elle dresse le village contre moi.

Chez les voisins elle me montre du doigt
Que je n'ai pas de fichu de soie
Ni tablier à fleurs ni dentelle, et puis quoi?
Je ne lui ai rien demandé, que j'aie ou non,
Et nul autre de notre maison.

Sur la route avec ses commères,
Leana se gausse: "J'enrage, ma chère,
Pensez, qu'elle se mesure à moi et fait la fière!
Imaginez, hier au moulin, son harangue:
Que je sois stupide et mauvaise langue!

Et savez vous ce qu'elle a en tête?
D'être la bru de Dame Luxette?
Quelle effrontée! Vous la voyez aux fêtes?
Quelle jupe! Ce n'est même pas croyable!
Signez-vous, vous en rêverez!

Je n'en voudrais, même obligée
Ce qu'elle se met, c'est à jeter.
Les mêmes vêtements pour travailler
Et le dimanche au bal, les mêmes,
Et depuis quand, dites, quand même!

Luxette est dame de qualité
Elle voudrait une bru fortunée,
Pour vivre riche, dans l'opulence.
Elle ne ramassera pas de sitôt
Sa belle-fille dans le ruisseau.

Qu'elle prenne pour bru une bougresse!
Mais c'est une gueuse, une pauvresse,
Que ne demande-t-elle l'aumône, après la messe?
Leur maison-même, n'est pas a eux
Et ils n'ont ni cendres ni feu!

Entends-tu, mère, ce qu'elle me dit?
Elle n'a de cesse ni répit
De me traiter de noms maudits!
Si je devais lui répliquer
On irait devant les jurés.

Elle coupe ma route en espérant
De moi quelque mot provoquant
Et si je me tais, elle enrage
se ronge les sangs!
Si tu entendais, mère, ce qu'elles disent,
Elle et sa mère parlent pour dix!

Sa mère tiendrait tête à une foule
Et de venin Leana se saoûle.
Elle me marcherait sur la tête, si elle pouvait
Mais je n'mourrais pas pour leur plaire,
Et leur pitié je n'en ai que faire.

Je ne suis pas mourante de faim
Et je tisse seule ma toile de lin,
Je m'habille comme le font les miens
Je n'ai pas d’ soie, j'ai ce que je peux,
Ni trop fameux, ni trop miteux.

Me mesurer a elle? Dieu grand!
Comment pourrais-je? Elle a de riches parents,
Quelle robe comme elle ai-je eu, ma foi,
depuis longtemps?
Au bal je suis toujours là-bas,
Avec les filles de mon état!

Et l'ai-je, moi, jamais taquinée?
Ai-je dit du mal d’elle et m'en suis-je moquée?
Vais-je me montrer bien mise pour la dépiter?
Je sais son hic, moi, c'est bien ça,
C'est lui, Lisandru, tout est là!

Mais quoi? Je le tiens ligoté?
Je le retiens? Voyez!
Il vient tout seul, de son plein gré
pour me chercher
Je ne vais pas la porte lui fermer au nez,
Et s'il s'attarde, comment le chasser?

Suis-je après tout à condamner
Si Leana cherche comme enragée
A l'attirer chez eux
à la veillée?
Si lui n'y pense , ni ne veut,
Elle jure et blasphème comme un gueux!

Elle peut lui faire des charmes par milliers
La vilaine crève de dépit.
Que je suis plus belle qu'elle
......
Elle peut bien être une princesse
Ce qui est a moi, a elle ne l'est,

Beau le bétail, bonnes les richesses,
Mais un garçon si on le laisse
Choisir à son coeur
sa promise
La fortunée garde ses boeufs
Elle vieillira seule avec eux!

19 décembre 2009

George Cosbuc - Le combat de la vie

L'enfant ne sait guère ce qu'il veut.
Pleurer, là est tout ce qu'il peut.

Mais rien n'est si lâche et veule
Qu'un homme qui gémit et pleure

Ni ridicule comme les larmes
D'un combattant au champ honneur.

La vie est lutte, eh bien luttons,
Avec amour, avec ardeur

Au compte de qui? On ne vaut rien
Si on n'a pas de but majeur.

On a les siens! Si seul on est
Lutter pour tous est notre honneur!

C'est une sublime tragédie
Lorsqu'un soldat vaincu se meurt,

Mais son geste devient épopée
Si le héros finit vainqueur

Est un bouffon celui qui pleure
Un rien, un nul, un déserteur.

De quel côté que penche le sort
Vois ton devoir: sur place demeure!

Seuls vivent ceux qui la lutte acceptent
Le peureux se lamentent et meurent.

S'ils veulent mourir, les laisses faire
Car la mort est leur seul honneur.

18 décembre 2009

George Cosbuc - La mère

Au gué les eaux rapides s’agitent
Et grondent sur leur passage
Les peupliers les soirs humides
Murmurent de tristes présages.
Au croisement de mille chemins
Qui tous au moulin mènent,
Je t’aperçois, ma mère, soudain
Dans ta maison lointaine.

Tu files. Dans l'âtre pauvre brûlent
Et doucement crépitent
Trois bouts de bois d'une vieille clôture
Et geint la flamme trop petite.
Elle brille à peine et de guerre lasse
Menaçant de s'éteindre...
Lumières et ombres s'entrechassent
Sans trop les coins atteindre.

Deux petites filles partagent ton sort,
Filant la même laine.
Elles sont si jeunes, leur père est mort,
Pourvu que George vienne!
Un conte de fées aux mille dragons
L'une d'elles se met à dire.
Tu écoutes à peine: le conte est long
Les soucis te déchirent.

Ton fil bien trop souvent se casse
Pensive, tu murmures
Des mots étranges à voix basse,
Les yeux fixant le mur.
Ton fuseau tombe, tu t'arrêtes,
La laine s'éparpille,
Tu la regardes absente, muette
Devant tes pauvres filles.

Oh non! Le doute n'est pas permis!
D'un bond tu pousses ta fenêtre,
Cherchant à transpercer la nuit.
"Qu'as-tu vu? Quelque spectre?
- Personne! Il m'a semblé entendre..."
Et la tristesse t'accable.
Chaque parole se met à rendre
Un son de chant macabre.

Puis sur le tard, sans plus les yeux
Lever de ton ouvrage:
"Je sens que je mourrai sous peu,
Je perds la tête, c'est l'âge!
Que sais-je encore à quoi je pensais!
Vous avez un grand frère.
Il m'a semblé qu'il arrivait,
Faisant crisser les pierres.

Ce n'est pas lui... Le voir revenir
Je revivrais une vie.
Mais il est loin. Je vais mourir
Sans que son bras m'appuie.

Ainsi le veut peut-être Dieu.
Tel est mon sort, ma peine:
Que je n'aie pas devant mes yeux
Mon fils à l'heure extrême."

Il vente dehors. Le ciel est gris.
Seule dans la nuit tu veilles,
Les deux gamines sont dans leur lit,
Toi seule, ma bonne vieille,
Tu regardes l'âtre en pleurant:
"Si loin! Pourvu qu'il vienne!"
Et tu t'endors, à moi pensant,
Pour que tes rêves m'amènent.

17 décembre 2009

George Cosbuc - L'hiver au village

Il s'est mis à tomber hier
Deux-trois flocons. Mais c'est fini.
Les nuages sont moins gris
Vers l'occident, ils s'agglomèrent
Sur le pays.

Sans soleil, il fait juste bon
La rivière est en fumée,
Le vent maintenant s'est calmé
Et un grand vacarme monte
De la chaussée.

Sur leurs luges une bande d'enfants
Descendent la côte en gaieté
Et de rire et se vautrer
Dans la neige se prosternant
Bon gré, mal gré.

Quel boucan! Comme un moulin
Tous ensemble ils font du bruit,
Comme à travers les haies de buis
Les moineaux se chamaillent pour rien
Avant la pluie.

Les grands se cherchent querelle
Et prêts à s'empoigner s'emportent
Les petits que la faim porte
Pleurnichent sans qu'on les appelle
Devant leur porte.

Près du coin voici paraître
Un bout d'homme haut comme un point.
Ses pas sont d'un pouce pas moins
Il est petit à croire peut-être
Qu'il n'est point.

Sa veste balaie par terre,
La traîner à peine il peut.
Cinq comme lui entrent en son creux
Le vent peut souffler, mon père
Tant qu'il veut!


Messager il parait être!
Sa mère au village l'envoie,
Très important il se croit
Il s'élance et veut paraître
Un homme déjà;

Il tombe, se relève sitôt
Repoussant vers sa nuque naine
D'un agneau entier la laine,
Un bonnet fourré plus gros
Que lui même

Nageant dans les neiges il avance,
Mais soudain les yeux brillants
Il s'arrête net voyant
Arriver la meute dense
Des enfants!

Vite il cherche un refuge
Un détour, il est perdu,
Mais les enfants déjà l'ont vu!
Et ils foncent sur leur luges
Bride rabattue.

"Regarde-moi donc quel bonnet
Gros comme une journée sans pain
Il porte un ours, ce malin,
Sept village y entreraient
Pour le moins!"

Certains se moquent de sa tête
D'autres aimables, mine de rien,
Ont juré sans goutte de vin
De faire perdre toute sa tête
Au bon chrétien!

Voici un vieille qui s'amène
Avec une veste déchirée
D'une corde de tilleul ceinturée
Elle s'arrête soudain amène,
Etonnée.

Puis en colère, mais, en vain,
Elle défend le Petit Poucet
- Vous êtes bien fous à lier!
Pauvre chat, donne-moi ta main
Pour t'en tirer!

Vous voulez avec des pailles
Eteindre une meule de foin
Qui a flambé. C'est pas roumain!
La vieille trouve dans cette marmaille
Un dur parrain

Comme une chouette on l'entoure
On lui fait cortège de cris
Sans lui donner de répit
Pleine est la ruelle autour
De leur bruit.

Pas moyen de leur faire suivre
Leur chemin de leur plein gré
Ils rient et sautent à cloche-pied
Ils tournent, crient et, les poursuivent
Acharnés.

La vieille a perdu la face:
Elle frappe, jure, joue des mains.
- Diables, êtes-vous des païens?
Oh! Bonne mère! Il faut une masse
Comme pour les chiens!

Avec son bâton elle tourne
Pour dégager une allée
Mais à peine son chemin elle fraie
Que la foule y retourne
A toute volée.

Ainsi toute la bande avance
Dans un terrible boucan;
La vieille, capitaine du clan,
Se signe cherchant défense
Contre Satan.

Les chiens sont de la partie.
Ils sautent, aboient excédés,
Les femmes viennent regarder,
Des vieux sortent de leur taudis
Etonnés.

"Quel est ce vacarme qui monte de la rue?"
Ce n'est rien. Des gosses braillards
Ca alors, quel tintamarre!
On dirait une cohue
De Tartares.

16 décembre 2009

George Cosbuc - L'été

Sans but je regardais au firmament
Dans sa sauvage splendeur
Le mont Ceahlàu, à l'Occident,
Loin dans le bleu du ciel baignant
Son front géant, dans la solaire ardeur,
la garde du pays montant
Pareil à un mystère errant
Un nuage du sommet voisin
Flottait dans le gouffre serein
N'ayant plus d'ailes pour s'envoler!
Et l'air entier était tout plein
De chants d'oiseaux tout gazouillants;

Alors, ivre de charme, les yeux
Je tournais vers la terre, les champs,
Et les épis dansaient au vent
Comme, dans la ronde aux joyeux chants,
Les jeunes filles blondes en cheveux
Lorsque tressaute leur long vêtement.
Garçons et filles dans les blés mûrs
Une doïna en choeur chantaient,

La vie dans leurs yeux brillait,
Le vent jouait dans leurs cheveux,
Des agneaux blancs à la source couraient,
De gris étourneaux en bandes s'envolaient.

Combien tu es belle et parée
O nature, comme une vierge sereine
Au pas chéri, au visage adoré!
Je voudrais de bonheur pleurer,
Sentir ton souffle divin,
Voir ce que tu as créé!
Mon coeur est de larmes trop plein,
Car tous les miens ont, tour à tour, été
Enterrés là et j'y serai de mon côté!
C'est une mer - mais une mer sereine -
Nature, que ma tombe et ton sein,
Tout y est chaud et tout y est lumière.

15 décembre 2009

George Cosbuc - A Pâques

Les branches sont pleines de gazouillis,
Plein de soleil est l'air
Et de blancs chattons les saules sont garnis -
Tout est en paix, ciel et terre.
La souffle chaud du beau printemps
Arrive au jour de la Résurrection.

Et comme il fait beau au village!
Arrivent silencieux les chrétiens de la vallée
Et deux se rencontrant au passage
Se saluent par: Le Christ est ressuscité!
Et leur vissage par le soleil halé
Offre à la fête un sourire étalé.

Un petit vent à peine berceur
Murmure dans l'air des mots glacés:
Le vol bruissant de l'âme des leurs
Les arbres baissent leur front aussi
Au passage du Saint-Esprit.

Le calme règne. Et de l'autel
Le chant en vers longs psalmodiés
S'élance au loin dans les vallées -
Et les cloches sonnent à toute volée
Oh, Dieu! Les entendre d'en bas
Rire joyeusement et pleurer au trépas!


L'église là-haut sur la colline,
Est pleine aujourd'hui de lumière,
Car tout ce monde exulte et espère
En cette pensée du ciel bénie
En nos actes est notre sort
La vie est tout, non pas la mort.

Sur la colline montent doucement
Jeunes épouses et jeunes filles,
Vieilles gens la chevelure enneigée par la vie;
Et doucement derrière tout le monde,
Avance hésitante une vieille femme
Tenant son petit-fils par la main.

Ah, à nouveau tu me reviens,
Toi, mère de mes jeunes soeurs!
Je sais qu'en ces jours-ci tu pleures
Encore ton enfant qui ne vient !
Sourire aujourd'hui le Ciel nous commande -
C'est Pâques! Ne pleures pas maman!

14 décembre 2009

George Cosbuc

Né en 1866 et mort en 1918, George Cosbuc est un poète du village roumain et de la nature ; un poète à l’optimisme robuste et sans complexes . Il débute par la publication du poème « Les Noces de Zamfira ». Son premier volume paraissait en 1893 sous le titre de « Ballades et idylles ». Trois ans plus tard, en 1996, Cosbuc publie son volume de « Fils à retordre ». Les poèmes de ce volume sont plus graves que les précédents. Enfin, son troisième volume « Chants de bravoure » parait en 1904. Entre temps Cosbuc avait traduit en roumain l’Odyssée, l’Enéide et la Divine Comédie., ainsi que le poème sanskrit Sakuntalà de Kalidasa. Il était devenu aussi membre de l’Académie.

13 décembre 2009

Alexandru Macedonski - Le Rondeau Du Pont D'Onyx

Le pont d’onyx soudain ploie
Sa haute voûte gracile arquant
Et des feuilles une à une choient
Sur l’azur clair de l’étang.

Du côté soleil-couchant
De sanglants torrents rougeoient.
Le pont d’onyx soudain ploie
Sa haute voûte gracile arquant.

Des mandarins devisant
Des signes de pluie voient
Tandis qu’une barque ondoie
Sur les eaux en trésautant,
Sous le pont qui soudain ploie.

12 décembre 2009

Alexandru Macedonski - Le Rondeau Du Rossignol

Le rossignol qui donne couleur
A nos vivifiants frissons,
Réveille dans les abricotiers en fleur
Le frais zéphyr des violons.

Comme dans une fête de blancheur
Dans l’enneigement des blancs buissons
Le rossignol donne couleur
A nos vivifiants frissons.

Et dans la si calme splendeur
Que la lune verse à profusion,
De la vie la belle ardeur
A un quelconque mortel, disons,
Le rossignol donne couleur.

11 décembre 2009

Alexandru Macedonski - Le Rondeau Des Fleurs De Lune

Fleurs de lune qui s’accrochent
L’eau transforment en fin brocart ;
A travers les arbres approche
Un petit air de Mozart.

Vers Saint-Cloud en face, tout proche
La vague qui se brise repart
Fleurs de lune qui s’accrochent
L’eau transforment en fin brocart.

Sur la Seine verte et si proche
De longs frissons doux s’écartent
Et les berges qui approchent
Quand les bateaux se séparent
Fleurs de lune blanche accrochent.

10 décembre 2009

Alexandru Macedonski - Le Rondeau De La Ville Des Indes

Brisée fut la grande ville
Par la dureté des temps ;
Sur son défunt mouvement
Pousse une forêt tranquille.

Oubliés furent l’ouragan,
La gloire à l’éclat fragile.
Brisée fut la grande ville
Par la dureté des temps.

Sous le soleil envoûtant
Les marbres et porphyres brillent ,
Des traces d’anciennes énergies
Achèvent de se perdre dans le néant
Brisée fut la grande ville.

09 décembre 2009

Alexandru Macedonski

Alexandru Macedonski est un poète contemporain d’Eminescu et que l’on ignore souvent à tort. Il a vécu entre 1854 et 1920. Symboliste, ses recueils de vers sont: „Prima verba” (1872); „Poésies” (1882), „Excelsior” (1895), „Le livre d’or” (1902), „Fleurs sacrées” (1912) et « Le Poème des rondeaux », ouvrage posthume publié en 1927.
Comme Musset, il écrivit des « Nuits », mais sur un ton assez différent. Francophone parfait, Macedonski a publié un volume de vers en français intitulé « Bronzes », recensé par le « Mercure de France ». Il a aussi écrit en français une prose poétique intitulée « Le Calvaire du Feu ». Son mauvais caractère lui valut beaucoup d’ennemis parmi les écrivains et les puissants de ce monde. Original en toute chose, il mourut en respirant un intense parfum de roses.

08 décembre 2009

Les grands noms du19-e

L'union en 1959 de deux des principautés roumaines de l'époque (la Moldavie et la Valachie) porta d'abord au premier plan le poète Vasile Alecsandri donnant ensuite un élan sans pareil à la culture roumaine. Le romantique Eminescu demeure de nos jours encore le poète de référence de la littérature roumaine.

04 décembre 2009

Vasile Carlova - Le soir

Lorsqu'à peine voit-on du soleil les rayons
Au flanc d'une montagne sur un nuage au rose front
Et qu'un zéphir plus frais commence à soupirer
Dans les feuilles, sur la plaine, plus fort un tantinet;

A cette heure agréable, dans de tristes valées,
A l'écart des grands bruits, souvent je me retire,
Au point le plus élevé, je m'asseois désolé,
Pour, à la solitude; compagnie tenir.
……
Lorsqu'une plaine en herbe devant moi je regarde,
Et que mes yeux de courir sur celle-ci sont lassés,
Le paysage de cette plaine de fleurs toute parsemée,
S'assombrit de la nuit qui avancee retarde.

Lorsqu'un bosquet touffu, au front bien trop altier
Couronne tout ce champs, pour que plus beau il soit.
Et sans cesse de son sein déverse avec bonté
Sur l'étendue lointaine un vent un peu plus froid.

D'un côté, là encore, un petit ruisseau serpente
Et pareil à une toile se voit là-bas tout blanc
Et qu' il nous semble même qu'il s'agite sous le vent
Mouvant sur les galets sont flot tout blanc

Et avec quel plaisir, de loin on peut entendre
Des voix de belles bergères, la flûte d'un pastoureau,
Qui revenant des champs, se retire dans la lande,
Laissant pour le garder le bon chien du troupeau.
…….

Doucement la lune aussi, provisoire maîtresse,
Monte à l'horizon, la plaine blanchissant,
Et contente pleinement, d'un bon front de tendresse,
Elle poursuit son chemin, parfois en remerciant.

Maintenant doucement arrive le sommeil reposant,
Dans ses bras doucement prenant chaque mortel…
L'être si généreux du ciel alors commande
A la terre charitable d'être dans l'éternel.
…….
Mais à cette âme triste et privée de tendresse,
Repos ni contentement, je ne sais pas trouver;
Sans cesse la joie du cœur s'en va ailleurs chercher
Et elle erre en peine partout avec tristesse.

Ce qu'elle cherche ne sait, mais elle sent bien l'absence
De cet être qui puisse son bonheur faire venir.
Et ne pouvant trouver ce que tant elle désire
Dans les brumes du chagrin, plus loin elle s'avance,

Exactement pareille au canot qui en mer
Errant dans la tempête, ne retrouve plus la terre;
N'ayant plus nul espoir que quelque vent chanceux
Par hazard la rejette au bord de la grande bleue.

03 décembre 2009

Vasile Carlova - Les ruines de Targoviste

Oh, murailles attristées! Oh, monument glorieux!
Du haut de quelle grandeur, vous brillâtes sous les cieux,
Aux temps où un soleil plus doux et plus heureux
Sur cette terre asservie répandait ses grands feux!

De la gloire ancestrale, rien plus ne reste là?
Tout autour on ne voit plus la trace d'un pas.
Et tandis que naguère, tout mortel attentif
Vous regardait ému, d'un œil admiratif,
Maintenant avec quelle crainte, recule-t-il sur ses pas,
Dès que ses yeux sur vous se posent avec effroi…
Et pourtant, tristes murs; c’est pour nous un plaisir
Lorsque l'oeil vous regarde aux moments de loisir;
Si vous faites pitié, de grandes idées inspirez.
Et par votre existence-même d'exemple vous servez
Tandis que les glorieux et admirables faits
De l'humaine tribu de ce monde disparaissent;
Que toute chose se perd; que la trace de nos pas,
Sur les ailes du temps à tout jamais s'en va.
Que l'homme-même, en toute chose parfait,
Sans crier gare s'effondre ou le trépas connaît..
Quant à moi, par ma foi, je préfère vraiment,
Vos ruines regarder en rêvant longuement,
Plutôt que de beaux murs; plutôt qu'un fier palais,
Plein d'éclat et lumière, mais inutile en fait.
De même qu'un berger, qui traverse l'alpage,
Court vite pour s'abriter, voyant venir l'orage.
De même moi maintenant, en proie à la douleur,
Vers vous me consoler; je viens les yeux en pleurs.

Ni des Muses le chant, ni la clémence des cieux,
Mais ma patrie je plains avec grande douleur.
En vous, en vous je cherche l'espoir d'une ressource.
Vous êtes de toute parole et toute idée la source.
Quand le bruit d'une journée partout cesse de battre,
Quand l'homme par ses efforts et malheurs épuisé,
Dans la paix de la nuit se trouve alité,
N'ayant même à cette heure de trêve dans mes pensées,
Vers vous je cours encore confiant et esseulé
Et par votre vision, si triste inspiré,
De notre noir destin je m'apperçois outré.
Je reste près de la tombe de la gloire roumaine
Et j’entends une plainte de choses très humaines;
Il me parait entendre encore une voix du passé

Prononcer ces paroles: "Hélas! Qu'est-il resté,
Si la plus grande gloire comme une ombre est passée,
Si l'esprit le plus libre avec elle s'est éteint!"
……….
Acceptez donc, ruines, tant que je suis sur terre,
Que je vienne pleurer sur votre cimetière,
Où le tyran n'ose pas, heureusement, se montrer,
Car votre vue-seule suffit pour l'effrayer

02 décembre 2009

Vasile Carlova - Priere

Haute personne clairvoyante,
Source puissante et consolante,
Sainte défense de notre terre!
Prête l'oreille, point ne dédaigne
Une voix humble; qui veut clémence
Qui pour une plainte ose t’adresser!

Il n'est pas digne de laisser se perdre
Au vent, en fumée, une prière
Faite en larmes devant l'autel,
Où le secours cherche tout homme,
Demandant quelque bienfait
Ou la fin de son malheur,

Où toute personne, qui t'adresse
Un voeux secret, humble se dresse
vers ton visage avec espoir,
Où même toi penses devoir
Montrer à tous pour leur grande joie
Que tu es prêt à les aider!

…..
Je ne demande ni luxe ni chimères,
Justice je veux et le salut
De ma patrie, désolée terre,
Oh! dont les tristes malheurs nombreux
Qui pourrait oh! entendre dire

Sans plus la plaindre, lui faisant foi!
Vers elle te penches, vois comme elle souffre,
Comme de se plaindre elle n'ose plus
Se sentant la risée de tous ,

Quand la justice ne compte plus guère;
L'opprimé même n'ose plainte faire
Car toute faute sur lui retombe.

Assez de siècles d'un sort marâtre,
Vouée sans cesse à cette vie saumâtre
De condamnée, de mal en pis!
Assez de siècles, se lamente-t-elle,
En proie aux affres; sans nul répit
Au point de ne plus voir le ciel!
…..
Mais que peut être cette lumière,
Qui là-haut brille d’une flamme entière
Et avec elle ce bruit si doux?
Ce ne peut être signe de tempête,
Puisque le vent les nuages arrête
Et partout règne un ciel serein.

Serrait-ce peut-être pour ma patrie
Une bonne nouvelle de joie amie,
Que la prière qu'elle avait faite,
Le saint exauce et la fait sienne
Que par ce feux il la prévienne
D'une délivrance qui la guette?

Vérité dis-je que cette lumière,
Annonce une vie de joie entière,
Qui se prépare pour ces contrées,
Qui demandée; soumise arrive,
Pour ma patrie à jamais vive
La lui offrir comme destinée.

1830

01 décembre 2009

Vasile Carlova

Né en 1809 et mort très jeune en 1831, le poète Vasile Cârlova marque en fait le début de la poésie roumaine moderne. Il avait commencé par traduire Voltaire, puis encouragé par Heliade Ràdulescu, il débuta dans la revue "Curierul românesc" par un poème romantique consacré aux ruines de Târgoviste, ancienne capitale de la Valachie.