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19 août 2009

Anton Pann


Picaro de nature, né en 1796 et mort en 1854 ,Pann fut l’un des premiers poètes importants de la Roumanie. Chantre d’église, imprimeur, professeur de musique dans un couvent dont il enleva une none, il publie en 1830 à Bucarest un recueil de « vers musicaux » où se mêlent traductions et poèmes originaux . Suivent ses « Chansons du monde », puis en 1832 un « Guide des buveurs », en 1834 une « Christoitie » ou « Ecole de la morale », suivie en 1837 du « Nouvel Erotocrite » en vers, sorte d’ Art d’Aimer, d’après une traduction du grec Komaros. En 1837, Anton Pann publie des « Fables et historiettes », en 1846 un recueil de folklore et un autre de « Vers chantés pour la Naissance de notre Seigneur Jésus Christ ». Son œuvre la plus importante est intitulée « Histoire du proverbe » et parait en 1847. Suivent encore un récit intitulé « Souvenir du grand incendie de Bucarest de 1847, le jour des Pâques et de la générosité du prince Bibesco », un «Dialogue en trois langues : roumain, russe et turc » (1848) puis un recueil de poèmes intitulé « L’Hôpital de l’Amour » (1850) et « Le voyage du père Albu » de 1852, puis en 1854 un recueil d’histoires et anecdotes .

18 août 2009

Anton Pann - Nasdine Hodja

L’habit est respecté davantage
Que la personne honnête
Nasdine fut une fois à une noce invité
Et des vêtement très simples pour y aller endossa ;
Les gens de maison le voyant, ne lui prêtèrent nulle attention.
Sans cesse servir les personnes richement vêtues on se précipitait
Et lorsque tout le monde à table fut installé,
On le plaça tout en bas, au coin d’une petite tablée .
Ceci voyant, Nasdine se leva et vite alla,
Chez un ami lui demander de lui prêter quelques jolis vêtements ;
Puis, galamment il se vêtit,
Mit par-dessus une fourrure et un manteau bien rouge.
Il revint à la noce où on l’avait prié
Et dès qu’il y parut, toutes les honneurs lui furent accordés :
- S’il vous plait, s’il vous plaît Hogea-efendi, tous l’appelaient.
On lui offrit la place d’honneur, chacun se serrant.
Une fois assis, il trempa sa manche dans la sauce, disant :
- Voilà, fourrure, s’il te plaît, mange le meilleur.
Et les invités de lui demander : « Monsieur Hodja,
Pourquoi tremper ainsi votre manche dans la sauce ?
- Parce que, répondit-il, lorsque d’abord je suis venu
Pauvrement vêtu, personne ne m’a honoré.
Et lorsque j’ai souhaité le bonjour, à peine m’a-t-on dit « Merci ».
Tandis qu’avec ces vêtements-ci, tout le monde m’a invité « Entrez,entrez ! »
C’est donc à la fourrure que je donne à manger,
Puisque le monde honore les vêtements et non la personne .

Anton Pann - Le Sultan Et Le Pecheur

Dit-on qu’un sultan, une fois, qui souvent déguisé se promenait,
Voulant au bord de mer aller prendre un peu l’air,
Y vit un homme assis, à pêcher du poisson
Et par curiosité, de lui en s’approchant,
Commença à lui faire la conversation, lui poser des questions
Ainsi : « Mon ami, as-tu pris du poisson où non ?
L’homme répond : « Faible capture, comme-ci, comme ça, un rien ! ».
Quelque menu fretin, comme dit le proverbe :
« L’hôte ne mange pas ce qu’il veut, il mange ce qu’il trouve ».
Et puis
« Qui n’a pas une belle, embrasse une morveuse
« Ou « qui a fait fi des fraises, en mange les feuilles »
« Il mange des fruits sauvages et se moque des olives ».
Le sultan, le voyant pauvre et la langue bien pendue, prit plaisir à lui parler et lui demanda encore :
Le sultan – D’où viens-tu ?
Le pêcheur : De chez la femme.
Le sultan : De quel pays ? Quelle est ta patrie ?
Le pêcheur :La patrie de l’homme est là où il est bien.
Le sultan : As-tu des enfants ?
Le pêcheur : Un dans les bras, l’autre dans les entrailles.
Le sultan : As-tu quelque fortune ?
Le pêcheur : Le proverbe en témoigne :

« Ce qui est sur moi est dans mon coffre ».
Le sultan : Pourquoi es-tu pauvre ?
Le pêcheur : Je suis pauvre parce que je ne suis pas riche.
Le sultan : Comment vis-tu ?
Le pêcheur : Regarde mon vis et tu sauras ma vie .
Le sultan : Es-tu malheureux ?
Le pêcheur : La chance me suit, comme la poussière suit le chien.
Le sultan : As-tu de l’aide chez toi ?
Le pêcheur :Je suis seul à m’échiner
Le sultan : Est-tu pauvre de naissance ou bien ruiné ?
Le pêcheur : Si mon père fut un Monsieur et je ne suis pas un homme, à quoi bon ?
Le sultan : Je te vois ruiné, mais tu ne t’en plains pas.
Le pêcheur : Le tort que l’homme se fait lui-même, personne ne peut le défaire.
Le sultan : Si l’enfant ne pleure pas, sa mère ne lui donne pas la tétée.
Le pêcheur : Le temps que l’envie vienne au riche, le pauvre expire. Celui qui a déjà bien mangé ne croit pas au malheur de celui qui a faim.

Alors souriant, le sultan amusé,
Sort son portefeuille, écrit un mot et lui dit :
Le sultan : Prends ce billet et va vite chez mon vizir,
Pour qu’il te donne mille lei. Vas et ne perds pas ton temps.

Ce n’est qu’en prenant le billet que le pêcheur vit
Qu’il avait parlé au sultan et qu’il ne l’avait pas reconnu.
Il en resta, le pauvre, tout étonné,
Puis, finalement, il se souvint qu’il n’avait même pas remercié .
Il s’en alla donc d’un seul souffle, le cœur battant,
Jusqu’au vizir, sans rien comprendre ;
Il entra, lui remit le billet et le vizir le lut,
Lui comptant cinq cent lei et le priant de les accepter.
Car
« Qui partage, fait sa part »
Et
« De la gueule du loup, il est difficile de tirer une chose entière ».
Voyant qu’il ne lui donne pas tout, il lui dit : « Comment donc ?
Mais le vizir dépité répondit : « Alors quoi, tu n’es pas content ?
Le pêcheur : "Tu me les as prêtés et ne veux plus les prendre ?"
Et ordre on donna qu’il fut poussé dehors, disant :
- Je ne te donne rien, si tu n’es pas content
Et tant le pêcheur avait eu de joie à l’aller
Avec autant de tristesse chez lui il rentra.

Anton Pann - Histoire Du Proverbe

HISTOIRE DU PROVERBE

Des défauts

Il n’est homme sans défaut,
Chacun une étiquette a sur son dos.
Il voit celle de l’autre et ne voit guère la sienne.
Chacun se croit plus sage que l’autre.
Chacun trouve son enfant plus beau ,
Si impossible qu’il soit.
Ce qui est beau porte malchance.
Chacun tire la couverture à soi.
Il est facile de juger l’autre,
Chacun se moque de l'autre et le diable de tous.
Le diable moque les colombes noires et soi-même ne se voit guère.
La langue du monde, seule la terre la fait taire.

HISTOIRE DU PROVERBE

Dit-on qu’il fût un fois un prince
Affublé d’un nez très peu mince.
Il voyait bien, lui-même, le défaut en question,
Mais il pensait que peut-être c’était une impression.
Ses sujets et ses proches, là-dessus questionnés,
Sur sa bonne figure l’avaient tous rassuré,
Car, qui ose à un grand du monde
Dire vertement ses défauts incommodes ?
C’est à la même époque et dans la même ville,
Que vivait une dame bossue et plutôt ville.
Or, des flatteurs l’avaient persuadée
Qu’elle était aussi belle qu’un rayon de lumière.
De poèmes et de vers, ils l’avaient couronnée
Et se croire une déesse l’avaient encouragée.
Celle-ci alla un jour à la cour, au palais,
Ayant avec quelqu’autre un procès à régler.
Mais voyant que le prince n’était pas disposé

A soutenir sa cause, comme elle l'aurait aimé ,
Lui coupant la parole, elle dit tout étonnée :
«Oh, mon prince, que vous avez un gros nez !
Le prince par ces propos fut piqué,
Mais sur le coup, rien ne fut répliqué.
Celle-là cependant, croyant qu’il n’avait pas saisi,
En d’autres mots lui répéta son dit.
Le prince, une fois de plus, avala de travers ;
Mais elle ne cessa point de piquer son orgueil
Et de redire encore : Quelle étrange chose !
De ma vie je n’ai vu un nez aussi grandiose !
Le prince durcit le ton : « Madame !
Savez-vous que vous êtes une bien curieuse personne !
Que me dites-vous sans cesse que j’ai le nez trop gros,
Et que ne voyez vous la bosse sur votre dos ?
Votre énorme défaut, vous ne le sentez guère,
Mais voir celui des autres, vous n’avez nulle peine.
Comme elle quittait les lieux , sortant dans le couloir
Le prince dit encore, regardant son miroir :
«Ce n’était pas mensonge, ce que le sage disait,
Que bien difficilement l’homme soi-même se connaît.