29 avril 2010

Dimitrie Anghel - Le bal des arbres

Avec des ondoiements à peine perçus et cadencés, doucement,
Sur la pelouse du jardin abricotiers, pruniers, mirabelliers
Vêtus de blanches voiles, devant la lune, se dandinent sur leurs pieds
Comme s’ils se préparaient à entamer d’un pas léger un menuet galant.

Leurs branches se cherchent, s’inclinent et reviennent en cadence,
Mille coquetteries et blanches grâces, puis gestes roses et doux arômes.
Cette danse rythmique répand dans l’air une farandole de fantômes
Qui attendent depuis toute une année cette minute unique de chance.

Ce qui était écume dans les branchages, par terre velours devient,
Ainsi les ombres tombant sur le gazon en lourdes capes semblent-elles
Abandonnées nonchalamment par les danseurs demeurés en dentelles
Dans ce parc légendaire que, cette nuit, est devenu mon jardin.

Soufflant par la bouche des creux, le vent a éveillé un chant,
De larges manches tout en dentelles se tendent pour saluer d’un geste
Le faible et doux prélude interprété par l’invisible orchestre;
Faisant la révérence, les arbres s’inclinent galamment.

Des guirlandes de fleurs s’enchaînent et ouvrent un arc sous chaque ramage
Voûtant des perspectives bleues et mirifiques, pour de nouveaux ballets de flocons blancs
Qui portent descendant des cieux sur terre des chandelles scintillantes,
Afin de rendre encore plus blanche cette nuit de chant et de mariage.

Ainsi en ce moment tout m’apparaît; pourtant demain ces chevaliers
Dépossédés des beaux atours que leur prêtait le clair de lune
Redeviendront ce qu’ils étaient : mirabelliers, abricotiers et arbres à prunes
Arbres banals qui ornent mon jardin depuis déjà bien des étés...

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