24 août 2009

Premiers Poetes

Le siècle des lumières fut représenté en Roumanie par trois groupes distincts d’écrivains : le prince-chroniqueur Dimitrie Cantemir en Moldavie, les poètes de la famille Vacarescu en Valachie et l’Ecole transylvaine dans la province de ce nom. Au début du 19-e siècle il convient de citer aussi en Moldavie le poète Costache Conachi et en Valachie Anton Pann.

Les quarante-huitards

1848 fut une année révolutionnaire dans toute l'Europe. Si à Paris elle porta au pouvoir le poète Lamartine, en Roumanie cette révolution-là fut l'oeuvre de jeune intellectuels (historiens; poètes, prosateurs) ayant fait leurs études à Paris. Voici quelques uns de ces poètes.

Dimitrie Bolintineanu - La mère d’Etienne le Grand

I

Sur un noir rocher dans un vieux château,
Au pied duquel coule un petit ruisseau,
Pleure et se lamente la princesse jeunette,
Douce et délicate comme une violette.
Au champs de bataille son époux chéri
Est parti en armes, guère ne le revit.
Ses yeux bleus en larmes brûlent de douleur,
Comme la rosée brille sur les douces fleurs.
Des boucles dorées sur son sein palpitent,
Rose et blanc comme lys, son visage s’agite.
Mais la reine mère près d’elle veille forte
Et de douces paroles, elle la réconforte.

II

Une horloge sonne minuit et demi,
A la porte, qui frappe, près du pont-levis ?
- C’est moi, bonne mère, ton fils bien-aimé !
C’est moi et j’arrive du combat blessé.
Le sort bien cruel nous fut cette fois-ci
Ma petite armée en désordre fuit.
Mais ouvrez la porte... Les Turcs me rattrapent !
Le vent froid me glace... mes blessures font mal.
Vite à sa fenêtre la jeune princesse court.
“Ma fille, que fais-tu?” dit la reine-mère
Et puis à la porte elle-même se rend,
Et dans la nuit dense ceci on entend:
-Vous dites, étranger ? Etienne est bien loin,
Son bras fort et brave décime les païens.
Sa bonne mère je suis et il est mon fils;
Si c’est vous, Etienne... Vous n’êtes point ce fils !
Pourtant, si le ciel, voulant m’éprouver
Et sur mon vieil âge mon coeur attrister,
Son âme noble et brave ainsi a changé,
Si tu prétends être Etienne pour de vrai,
Sache alors qu’ici, sans une victoire,
Tu ne peux entrer, par mon bon vouloir !
Vas donc aux armées, meurs pour ton pays !
Et sera ta tombe couronnée de lys ! ”

III

Etienne s’en retourne , son cor sonne court,
Son armée brisée des vallons accourt.
Le combat reprend. et. l’ennemi battu
Tombe comme les blés sous les sabres à nu!

Dimitrie Bolintineanu


Parmi les étudiants qui suivaient en 1846-48 les cours du Collège de France, à Paris, on pouvait remarquer le jeune roumain Dimitrie Bolintineanu, élève de Jules Michelet et Edgar Quinet. Revenu en Roumanie il participe avec d’autres anciens étudiants roumains de Paris, dont N.Bàlcescu et Vasile Alecsandri, à la préparation de la révolution roumaine de 1848. C’est en 1847 qu'était paru son premier volume de vers intitulé « Rêveries ».En 1952 allait paraitre un autre volume intitulé « Chants et complaintes ». En 1858 il publiera ses « Légendes historiques. » En 1866, il publiait en français sous le nom de « Brises d’Orient ». la traduction de son volume de poèmes orientaux « Fleurs du Bosphore » et quelques autres poèmes des cycles « Les Macédoniennes » et « Rêveries » ainsi que des légendes historiques. Le volume est apprécié par Théodore de Banville. Parmi ses nombreux volumes de vers, il convient de mentionner un épopée en vers du nom de « Trajanide ». Il écrivit aussi des romans. D.Bolintineanu a vécu entre1819 et 1872.

19 août 2009

Iancu Vacarescu


Né en 1792, petit fils du poète Ienàchità Vàcàrescu, francophone et germanophone, Iancu Vàcàrescu est un animateur de la vie culturelle de la première moitié du 19-e siècle. Il encourage le fabuliste Grigore Alexandrescu, soutient la vie théatrale roumaine, traduit le « Britannicus » de Racine et « l’Avare » de Molière, encourage la création d’imprimeries. Il est un membre actif de la Société littéraire qui allait préparer la révolution de 1848 en Valachie. Ses poèmes sont le reflet de ces préoccupations, influencées en grande mesure par la révolution de 1821 de Tudor Vladimirescu.

Alecu Vacarescu


Fils du poète Ienàchità Vàcàrescu, Alecu Vàcàrescu est né vers 1765. Il est l’auteur, comme son père et son frère Nicolae, de petits poèmes anacréontiques, où la religion et l’éloge des puissants du jour cède la place à des sentiments plus personnels.

Ion Budai Deleanu

C’est du groupe de l’Ecole transylvaine que faisait partie le poète et philosophe Ion Budai Deleanu, chez qui les idées du siècle des Lumières sont les plus présentes : égalité des humains, droits des nations .Ion Budai Deleanu est né en 1760. Il écrivit en latin des études sur la langue roumaine, il publia des dictionnaires, mais ses œuvres les plus connues sont deux poèmes héroi-comique en vers « La Tsiganiade » et « Trois preux chevaliers ». Voici un fragment de la Tsiganiade; épopée sur la création d’une armée tsigane à la demande du prince valaque Vlad l’Empaleur; au 15-e siècle. Avant de livrer bataille, les tsiganes, promis à l’émancipation, s’engagent dans une longue dispute philosophique sur la forme de gouvernement qui leur conviendrait et leur colloque dégénère en bataille rangée. Après quoi ils se dispersent aux quatre vents. Voici la description d'une partie de cette armée pittoresque, puis une partie du débat.

Anton Pann


Picaro de nature, né en 1796 et mort en 1854 ,Pann fut l’un des premiers poètes importants de la Roumanie. Chantre d’église, imprimeur, professeur de musique dans un couvent dont il enleva une none, il publie en 1830 à Bucarest un recueil de « vers musicaux » où se mêlent traductions et poèmes originaux . Suivent ses « Chansons du monde », puis en 1832 un « Guide des buveurs », en 1834 une « Christoitie » ou « Ecole de la morale », suivie en 1837 du « Nouvel Erotocrite » en vers, sorte d’ Art d’Aimer, d’après une traduction du grec Komaros. En 1837, Anton Pann publie des « Fables et historiettes », en 1846 un recueil de folklore et un autre de « Vers chantés pour la Naissance de notre Seigneur Jésus Christ ». Son œuvre la plus importante est intitulée « Histoire du proverbe » et parait en 1847. Suivent encore un récit intitulé « Souvenir du grand incendie de Bucarest de 1847, le jour des Pâques et de la générosité du prince Bibesco », un «Dialogue en trois langues : roumain, russe et turc » (1848) puis un recueil de poèmes intitulé « L’Hôpital de l’Amour » (1850) et « Le voyage du père Albu » de 1852, puis en 1854 un recueil d’histoires et anecdotes .

Costache Conachi


Poète des 18-e – 19-e siècles, Costache Conachi a vécu entre 1778 et 1849. Il composa des chansons d’amour pour la belle Zulnia, un petit traité de prosodie et des saynettes satyrique jouées par des montreurs de marionnettes. Il traduisit Marmontel, Pope, Pierre d’Herbigny, diffusant les idées des Lumières. Il est l’un des précurseurs du romantisme roumain.

Ienachita Vacarescu


Nous mentionnions dans la première génération de poètes roumains connus, notamment au 18-e siècle, la famille Vàcàrescu en Valachie . Ienàchità Vàcàrescu, né en 1740 et mort en 1797, descendant d’une famille de grands boiards , plusieurs fois ministre, est l’auteur de l’une des premières grammaires roumaines, de deux dictionnaires roumano-turcs et roumano-allemands, ainsi que d’une « Histoire des puissants empereurs ottomans ». Il est cependant surtout connu comme poète. Ses vers anacréontiques sont influencés par le folklore roumain. Il fondera une véritable dynastie de poètes.